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«L'Algérie est malade de son agriculture»
Akli Moussouni. Ingénieur agronome et expert en développement
Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2014

Dans cet entretien, l'expert Akli Moussouni revient en détail sur l'envolée des prix de la pomme de terre et également sur la problématique de cette filiale en souffrance.
-Qu'en est-il de la situation de la filière de la pomme de terre, dont le prix a atteint le niveau exorbitant de 100 DA, au moment où l'Algérie célèbre la Journée mondiale de l'alimentation ?
La problématique de cette filière ne relève pas d'un contexte qui lui est spécifique mais de toute la politique du renouveau rural qui n'en est pas une. Il faut d'abord comprendre que cette politique consiste uniquement à dégager des intérêts communs aux agriculteurs par filière à travers des comités interprofessionnels. Il s'agit d'une démarche qui a évacué totalement de son contenu les objectifs économiques stratégiques du pays, faisant qu'en l'absence de mécanismes de gestion rationnelle de tout le secteur de l'agriculture, c'est l'anarchie et la spéculation qui se mettent en place. La nature a horreur du vide.
-Comment expliquer que les réunions périodiques des cadres du ministère de l'Agriculture où toutes les composantes du secteur sont réunies, n'arrivent pas à stabiliser cette filière ?
Il ne s'agit pas de rencontre ou de débat autour des produits, mais d'une avalanche de chiffres virtuels de classement par wilaya, inexploitables économiquement. Lesquels chiffres sont d'ailleurs démentis aussi bien par le CNIS (statistiques du commerce extérieur) par rapport à une facture alimentaire en constante augmentation que par la réalité du terrain. A titre d'information (sachant que la presse est exclue de ces rencontres), le taux de croissance des filières est fixé démesurément (8,32% pour la pomme de terre, 7,48% pour les céréales, 8,37% pour le maraîchage, 9,71% pour l'élevage, etc.), des taux qui devraient théoriquement permettre au pays non pas de couvrir l'essentiel de ses besoins alimentaires, mais d'exporter largement l'excédent, alors qu'en réalité, l'Algérie s'est retrouvée entre le marteau et l'enclume, doublement dépendante du produit étranger pour couvrir les besoins du consommateur et du moyen de paiement tiré des seules recettes pétrolières. Partant de cette situation la filière pomme de terre (comme les autres) est livrée en pâture à la spéculation au vu et au su des pouvoirs publics à travers les directions de l'agriculture et les instituts chargés de l'application du dispositif sensé réguler le marché, le «Syrpalac.
-Par quel processus ce prix s'est enflammé pour atteindre 100 DA alors que la pomme de terre coûtait à peine 25 DA ?
C'était prévisible. Souvenez-vous que j'avais alerté l'opinion publique par voie de presse le 25 novembre 2013 à l'occasion de l'attribution, la veille (le 24 novembre 2013) d'une indemnité de 5 DA par kilo aux agriculteurs, allant jusqu'à préciser que le cours atteindrait exactement les 100 DA. Plusieurs facteurs militent pour cela, dont la mauvaise gestion de la surproduction. Toutes les composantes de la filière y ont perdu financièrement. L'ambition des producteurs s'est brusquement estompée en réduisant largement (plus de 60 %) les surfaces cultivées habituellement, tandis que les importateurs dont jeté à leur tour d'importantes quantités de semences destinées à ces producteurs. On a reproduit exactement le scénario de 1988, dont le ministère de l'Agriculture aurait pu tirer des leçons.
-Comment expliquer alors que l'aide d'Etat de 5 DA/kg aux agriculteurs immédiatement après les événements n'a pas permis de pallier cette problématique ?
Les pouvoirs publics avaient agi naïvement pour sauver le producteur à travers ce mécanisme. Un mécanisme du ministère, insensé dans le contexte actuel de déconfiture du secteur de l'agriculture, dit «d'assistance aux agriculteurs autour d'un transformateur». Il s'agit bel et bien d'un don miraculeux au profit des multiplicateurs qui, en fait, n'ont jamais joué ce rôle dès lors que la semence est toujours importée. C'est exactement comme si cette aide avait été orientée directement dans la gueule du loup. Elle ne pourrait en aucun cas apporter un réconfort quelconque aux agriculteurs qui, dans la plupart des cas, louent des terres qu'ils ne peuvent faire valoir par rapport à la procédure. Ce qui fait que cette aide de l'Etat vient alimenter un arsenal de «techniques» de détournement élaborées par toutes les composantes de la filière (producteurs, multiplicateurs, importateurs, revendeurs, etc.) au nez et la barbe de l'administration locale et des instituts chargés d'encadrer le mécanisme Syrpalac, dont l'ENCC en particulier.
-Comment expliquer que l'Algérie n'arrive pas à produire ses propres semences ?
C'est un enjeu de taille qui remettrait en cause toute la spéculation, mais qui n'arrange pas grand monde. Il y a peut-être anguille sous roche, si j'ose dire, car je ne trouve pas d'explication rationnelle à l'incapacité du pays à mettre fin à un scénario répétitif qui relève du ridicule. Il y a lieu de savoir qu'avec la coopération canadienne, le ministère de l'agriculture a engagé, à Guellal, dans la wilaya de Sétif, la création en 2002 d'un centre national de production de semences de pomme de terre dans le cadre du PNDA (Programme national de développement de l'agriculture), dénomme Sagrodev (Société algérienne de développement) avec un budget dépassant les 30 milliards de centimes, dans l'objectif d'assurer environ 50% des besoins des de la filière en semences (2 à 3 millions de tonnes annuellement).
Cette opération n'a pas permis de dégager un sac de semences mais a ôté au pays toute crédibilité envers des partenaires étrangers qui ont quitté les lieux bredouilles il y a belle lurette. Et ce centre continue à tourner à vide avec une cinquantaine de travailleurs. Par ailleurs, on assiste actuellement à une armée de multiplicateurs qui ne multiplient pas grand-chose (environ 20%) dès lors que la semence est livrée essentiellement par des importateurs qui exigent des paiements à l'avance sur plusieurs mois et qui font la pluie et le beau temps en matière de qualité des produits livrés. Les variétés de moindre rentabilité sont livrées en concomitance en fonction des possibilités de paiement de l'agriculteur.La problématique de la semence est conjuguée à la spéculation sur la location des terres, les contraintes de fertilisation, l'adaptation de la mécanisation des récoltes, etc., pour en faire un imbroglio dans lequel s'est noyé le producteur.
-Y a t-il une part de l'élévation du prix dans le circuit commercial ?
Absolument. Le marché informel vient compliquer la situation. Entre le prix au champ et celui que paie le consommateur, c'est du simple au double, si ce n'est plus dans bien des cas. Il s'agit d'un phénomène incontrôlable largement encouragé, d'une part, par la disparité des salaires des Algériens (tant que ça se vend pour les uns, ça marche) et l'absence d'associations de protection de consommateurs dont la fédération nationale de protection du consommateur qui s'est investi que pour des rencontre protocolaires, inconnue du citoyens. L'Association de protection du consommateur et de l'environnement (Apoce, Alger) n'arrive pas à fédérer dans sa démarche. Le citoyen gagné par la «théorie du chaos», ne croyant pas à ce genre d'organisation qu'il assimile tout bonnement à des regroupements inopportuns.
-Qu'en est-il du niveau de rentabilité de cette filière par rapport au contexte mondial ?
Dans le monde, globalement, le rendement moyen va de 350 à 400 quintaux à l'hectare, alors qu'en Algérie il se situe entre 150 et 200 qx/ha au printemps et entre 240 à 260 qx/ha l'automne. Les seuils annoncés en grande pompe par le ministère de l'Agriculture de 600 à 700 qx/ha ne sont que fabulation.En effet, la mauvaise qualité d'une partie des semences en termes de rentabilité, le manque d'engrais non fourni à temps, la défaveur de l'assolement pas toujours après céréales, la péremption fréquente des produits phytosanitaires et/ou leur inefficacité qui favorise la poussée d'adventices et le problème du mildiou non toujours maîtrisé sont autant d'éléments contraignants pour le rendement. Il faut y ajouter le manque de main-d'œuvre qui a fui en partie une filière qui évolue en dents de scie, pour une autre partie aspirée par les dispositifs de soutien à l'emploi...
-Quelle est la solution ?
Il n'existe pas de solution par filière agricole des lors qu'elles sont interdépendantes. Aussi, la dépendance alimentaire presque totale du pays pose un sérieux problème à la fois de sécurité alimentaire, de place du pays dans le marché mondial, de sa stabilité, de sa souveraineté, de sa trésorerie et, plus globalement, de tout son devenir.
L'Algérie se classe tristement deuxième importateur au monde après l'Egypte pour les céréales et après la Chine par rapport au lait. En tirant les leçons de ce qui s'est fait jusqu'à maintenant à travers une multitude de réformes stériles, il y a lieu de revenir sans complexe sur deux éléments importants, à savoir le foncier agricole dont la surface a été rétrécie dangereusement aussi bien dans le domaine public que privé par l'extension anarchique des infrastructures, et le potentiel humain dont la déliquescence a été largement entamée au point que le profil de l'agriculteur a laissé place au spéculateur. Il n'est pas exagéré de dire que l'Algérie est malade de son agriculture.
Devant la complexité de cette situation, la mise en place d'un cadre politique de sécurité alimentaire s'impose. Il s'agit pour l'Etat (non pas un ministère) de peser de tout son poids pour s'attaquer à toute la problématique de l'agriculture à travers trois volets : connaissance du potentiel naturel agricole et vocation des territoires ; mise en place des politiques de valorisation des terres et du potentiel humain ; dernier lieu encadrement de cette entreprise par une gouvernance adaptée. Il est impossible d'envisager des solutions dans l'arbitraire comme cela s'est fait jusqu'à maintenant.


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