Que motive la chute effrénée des prix du baril et l'abondance de l'offre sur le marché, est-elle réelle et justifie-t-elle le décrochage des cours ? Une question sur laquelle se sont penchés les analystes de la revue Pétrostratégies, qui estiment que la chute des cours ne peut être justifiée par des facteurs économiques. Un article de la revue, dirigée par Pierre Terzian, met en avant la déconnexion des marchés des fondamentaux et explique ainsi que l'évolution des cours est empreinte d'une nouvelle perception des marchés mais aussi et surtout du comportement de l'Arabie Saoudite sur le marché. Le document qui précise que le baril de brent de la mer du Nord a perdu 30 dollars par rapport à son plus haut de la mi-juin 2014 et qu'aucun événement majeur ou déclaration d'acteur important du marché n'a été enregistré pour justifier la dégringolade. Les fondamentaux de l'offre et de la demande ne peuvent pas non plus la justifier, d'autant plus que l'excédent mondial de l'offre de pétrole n'a pas sensiblement augmenté. Bien au contraire, celui-ci a été divisé par six passant de 1,2 million de barils par jour (mb/j) au deuxième trimestre 2014 à 200 000 b/j au 3e trimestre. Pétrostratégies explique aussi que si l'offre a augmenté de 400 000 b/j à 93,2 mb/j, la demande s'est accrue de son côté de 1,5 mb/j à 93 mb/j. Aussi, si les stocks de l'OCDE ont légèrement augmenté en 2014, en valeur absolue, ils demeurent «proches de leur minima des cinq dernières années». L'appréciation de la valeur de la monnaie américaine qui a pris 7,5% par rapport à l'euro depuis juin, ne peut pas non plus justifier la chute de 26% des cours du brut. Selon Pétrostratégies, les raisons du recul sont à rechercher d'abord dans la perception du marché qui affiche actuellement une humeur pessimiste. Les révisions à la hausse des prévisions de l'offre, et celles à la baisse de la croissance économique se succèdent. Des prévisions qui laissent supposer, au sein des marchés, que l'OPEP devrait réduire son offre. Ce qui n'est pas le cas. Bien au contraire, le Koweït ayant annoncé que l'OPEP ne réduira pas ses quotas au cours de la réunion prévue à Vienne le 27 novembre prochain. Cependant, c'est de l'Arabie Saoudite que dépend l'évolution actuelle et à venir des cours. L'annonce par le premier producteur de pétrole de l'OPEP d'une réduction de ses prix pour octobre et d'une deuxième coupe pour novembre est l'un des facteurs du recul des prix du baril sur le marché. Une réduction qu'Aramco a expliqué à Pétrostratégies par l'objectif d'«améliorer les marges des raffineurs, surtout en Asie».La tendance actuelle sur le marché est à la baisse, il n'est pas impossible, selon Pétrostratégies de voir les cours remonter. Il est vrai que les positions baissières des spéculateurs sont plus importantes que les positions haussières, malgré le fait que «les risques d'une baisse de l'offre ne sont pas négligeables», qu'une nouvelle rupture d'exportation pourrait survenir à tout moment en Libye et que la situation reste délicate en Irak, au Yémen et au Nigeria. Petrostrategies précise néanmoins que les cours pourraient bénéficier d'une hausse de la demande au 4e trimestre 2014. Les analystes de la revue estiment cependant que de la publication, en décembre, des différentiels de prix par le saoudien Aramco dépend l'évolution future des cours. Et de préciser que si celui-ci «les maintient ou les remonte, cela voudra dire que Riyad veut stopper la baisse des prix, voire inverser la courbe. Sinon, il faudra s'interroger sur ses intentions à long terme. Et là, les facteurs politiques compteront au moins autant (sinon plus) que les éléments économiques».