Si l'importation des matières premières alimentaires de base, en l'occurrence le blé et la poudre de lait s'explique par l'augmentation des besoins locaux et la faiblesse de la production nationale avec des rendements irréguliers, l'introduction sur le marché national de certains biens alimentaires suscite moult interrogations. Et ce, d'autant que les opérations d'importations scandaleuses n'ont pas manqué au cours de ces dernières années. Elles ont concerné bon nombre de produits finis, comme le lait et l'huile. Il faut le reconnaître, la faiblesse de la production nationale a ouvert grandes les portes de l'importation, rendant l'offre abondante sur le marché national pour divers produits alourdissant la facture des importations alimentaires. Laquelle a atteint, pour rappel, au cours des neuf premiers mois de l'année en cours selon le dernier bilan du Centre national de l'informatique et des statistiques (CNIS) relevant des Douanes algériennes, 8, 63 milliards de dollars, soit une hausse de près de 18% par rapport à la même période de l'année dernière. Au total, les importations représentent 60% des produits alimentaires vendus en Algérie selon l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). L'Algérie est d'ailleurs le premier importateur africain de denrées alimentaires. Certains experts avancent qu'avec cette frénésie d'importation, la facture alimentaire frôlera les 12 milliards de dollars d'ici à fin 2014 et 14 milliards de dollars en 2015. Les augmentations enregistrées pour différents produits (viandes, sucre, jus, café, fruits…) oscillent selon les bilans rendus publics périodiquement par le centre entre 15 et 60%, parfois plus. Le consommateur l'aura d'ailleurs constaté : de nouveaux produits sont régulièrement signalés sur le marché, même dans des filières où la production nationale n'enregistre pas de déficit. De nouvelles marques produites à l'étranger envahissent nos étals, alors que nos marchandises peinent à sortir de nos frontières comme c'est le cas pour les produits de NCA Rouiba (qui n'arrivent pas à pénétrer sur le marché tunisien). APOCE : Doute sur le contrôle des marchandises aux frontières Aucune catégorie dans le chapitre alimentaire n'échappe au cercle vicieux de l'importation. Lait et dérivés, biscuits, chocolats, préparations alimentaires instantanées, céréales pour petit déjeuner, confitures, confiseries, eaux minérales et mêmes pains proviennent de l'extérieur. Même le pain est importé sous différentes formes (pain au lait, pain brioché, pain de mie) est présent sur le marché. «On ramène même les sacs poubelle d'Espagne et de Turquie», regrette Mustapha Zebdi, président de l'Association de protection des consommateurs (Apoce). Certains de ces produits présentent de grands risques sur le consommateur. «On doute même que ces marchandises soient contrôlées aux frontières», nous dira encore M. Zebdi avant d'ajouter : «On retrouve sur le marché des produits dont l'étiquetage ne correspond pas aux normes. Aucune indication qui puisse nous renseigner sur la traçabilité du produit. Nous demandons juste un minimum de respect pour le consommateur». Pour le représentant de l'APOCE, il est temps de freiner ces importations «anarchiques et sauvages» derrière lesquelles, dira-t-il, «se cache ‘‘le transfert de devises'' » avec toutes les menaces qui pèsent sur le consommateur et sur l'économie nationale. D'ailleurs, le sujet sera le thème central d'une rencontre que compte organiser l'APOCE prochainement en présence de nombreux acteurs. «Ce sera un séminaire de sensibilisation contre les dangers de ces importations massives», nous expliquera M. Zebdi. L'UGCAA : Les subventions encouragent les importations Pour sa part, Hadj Tahar Boulenouar s'interroge : «Si la production nationale dans l'agriculture et l'agroalimentaire augmente, pourquoi les importations suivent-elles la même tendance ? C'est paradoxal. Elles devraient baisser», poursuivra-t-il, rappelant que les chiffres du CNIS (Centre national de l'informatique et des statistiques) ne font que contredire les déclarations et les assurances des pouvoirs publics sur l'amélioration de la production. M. Boulenouar donnera comme exemple le déficit en fruits et légumes variant entre 20 et 30%. Il notera par ailleurs que le système des subventions ne fait qu'alourdir la facture des importations. «La politique actuelle des subventions n'encourage pas la production, mais elle joue en faveur des importations. Ces dernières années, beaucoup de producteurs, et j'en connais, se sont convertis en importateurs vu toutes ces facilités et ces aides de l'Etat», dira t-il. «C'est pour cette raison que l'Ugcaa a toujours demandé la subvention des consommateurs en libérant les prix du pain et du lait. «Les subventions actuelles profitent d'abord aux fournisseurs étrangers, aux importateurs, aux détourneurs et aux transformateurs avant de toucher les consommateurs». Un point que notera également l'économiste Mouloud Heddir, pour qui la politique des subventions massives des produits alimentaires importés ne fait qu'effacer les efforts engagés pour contenir l'explosion de la facture des importations. «Le jour où on n'aura plus d'argent, on arrêtera d'importer», nous dira dans ce cadre M. Heddir sans vouloir trop s'étaler sur la question. «Il faut d'abord que le gouvernement sache ce qu'il veut faire», conclura-t-il.