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Affaires Troudi et BCIA
Le parquet se substitue à la cour
Publié dans El Watan le 01 - 08 - 2006

Le scandale qui a ébranlé les deux cours d'Oran et d'Alger a suscité les vives réactions des avocats, lesquels sont revenus avec force détails sur ces affaires. Ils ont également fait réagir les procureurs généraux des deux juridictions, aux lieu et place des présidents des cours, du fait qu'en tant que représentants de la société, ils constituent une des parties au dossier tout autant que la défense.
Ces deux affaires concernent, faut-il le rappeler, pour la chambre d'accusation d'Oran, la censure de l'arrêt de la Cour suprême dans le cadre du dossier de la BCIA, et pour la Cour d'Alger, l'examen par la chambre d'accusation, un jeudi, de l'appel du ministère public contre l'ordonnance du juge d'instruction portant refus du mandat de dépôt contre Salim Troudi, sans informer la défense ou lui notifier l'expertise sur la base de laquelle le mandat de dépôt a été décerné. Ainsi, le parquet d'Alger, dans une mise au point transmise à la rédaction, a déclaré : « La chambre d'accusation s'est réunie pour statuer sur l'appel du ministère public contre la décision du juge d'instruction près le tribunal de Bir Mourad Raïs relative à l'ordonnance de refus du mandat de dépôt à l'encontre de Salim Troudi, détenu pour une autre affaire de fiscalité. La chambre d'accusation a rejeté l'ordonnance du juge et maintenu le mandat de dépôt, et la procédure engagée en matière d'information du prévenu et de sa défense est conforme au code de procédure pénale. » Une réponse qui, malheureusement, n'a pas apporté les arguments à même de prouver qu'il n'y a pas eu violation des dispositions du code de procédure pénale.
Les avocats réagissent
En effet, dans une déclaration rendue publique hier, le collectif des avocats de Troudi a indiqué qu'en date « du 20 juillet 2006, jour férié, la chambre d'accusation s'est réunie pour ordonner un mandat de dépôt qu'a refusé de décerner la veille le juge d'instruction près le tribunal de Bir Mourad Raïs, empêchant par là même le prévenu de recouvrer sa liberté après avoir purgé la totalité de sa peine de 54 mois en prison, le maintenant ainsi en détention, le jour même où il devait être libéré ». Le collectif des avocats s'est interrogé sur les raisons qui ont poussé les magistrats de la cour d'Alger « à prendre une décision aussi grave, au mépris de toutes les règles de procédure pénale et des droits de la défense et de liberté pour maintenir en détention Troudi qui était libérable le matin même ». Les avocats ont estimé que le mandat de dépôt « décerné dans l'illégalité » a été remis à l'administration pénitentiaire à 13h30 par un magistrat du parquet d'Alger. Devant ce qu'ils ont qualifié de procédés attentatoires à la liberté individuelle et au droit à la défense, le collectif des avocats a interpellé les pouvoirs publics, les exhortant à prendre les mesures nécessaires. Pour sa part, et réagissant à la réaction du parquet général d'Oran, publiée dans notre édition du samedi 29 juillet, le collectif des avocats constitué dans cette affaire est revenu sur le dossier en qualifiant la réponse du parquet de curieuse du fait qu'il a soutenu le contraire par écrit devant la même chambre d'accusation. Les copies des réquisitions écrites datées du 14 juin 2006, dans lesquelles le ministère public sollicite la chambre d'accusation pour l'application de l'article 524 du code de procédure pénale sans restriction ni réserve, pour tous les chefs d'inculpation. Il est donc parfaitement établi que pour le ministère public, tout comme pour la défense, la chambre d'accusation était tenue de tirer les conséquences légales de la cassation intervenue le 19 avril, c'est-à-dire de prononcer le non-lieu total en faveur des frères Kherroubi (...). Le ministère public est tenu de se conformer, par conclusions écrites, aux instructions de sa hiérarchie, mais il peut développer verbalement une lecture différente du droit. « Sauf à considérer que ladite hiérarchie s'est prononcée pour le non-lieu (...). » Les avocats ont expliqué que ce qui est en cause dans ce dossier, ce ne sont ni les faits ni leur qualification légale (dilapidation de deniers publics et complicité), mais plutôt leur imputabilité ou non. Pour eux, la Cour suprême a tranché « avec une clarté absolue en faveur de la non imputabilité, non seulement pour le faux et escroquerie, mais aussi pour la complicité de dilapidation. Elle a donc tranché une question de pur droit ». Les avocats se sont néanmoins interdits de commenter l'arrêt de renvoi rendu le 3 juillet 2006, après cassation par la chambre d'accusation d'Oran et qui a « refusé de s'incliner devant la décision de la Cour suprême ». En conclusion, la défense a relevé que « c'est l'occasion de clamer haut et fort que si la justice peut commettre des erreurs, elle doit, sauf à perdre son âme, se garder de commettre des injustices ». Ainsi, les réactions des parquets d'Oran et d'Alger n'ont malheureusement pas éclairé l'opinion publique sur ce qui est considéré par les professionnels du droit de « bavures judiciaires ».


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