Des dizaines de locaux commerciaux ont été rasés, hier au Val d'Hydra, par des engins de la wilaya d'Alger, en présence des forces de sécurité et d'agents de la Protection civile. Une vive tension régnait, hier, au Val d'Hydra (Alger) où était déployé un dispositif policier impressionnant, appuyé par des éléments de la Protection civile, depuis le rond-point jusqu'au siège de la Commission européenne en Algérie. Sur les toits des maisons, évacuées par la force, des pancartes sont encore accrochées où l'on peut lire «Non au délogement abusif». Des bulldozers et des engins de la wilaya d'Alger ont rasé des dizaines de magasins. Visiblement, les autorités veulent aller vite en passant à l'action. Une des échoppes, à la porte blindée, est verrouillée par un cadenas. Son propriétaire (ou locataire) est absent, mais des agents de l'APC d'El Biar ont reçu l'ordre de forcer la serrure, sous le regard des policiers et en présence d'huissiers de justice. A l'intérieur, aucun objet de valeur, juste un grand comptoir en bois qui sera transporté immédiatement au stade d'El Biar au cas où son propriétaire se manifeste. Juste à côté, un magasin de cosmétiques et de vêtements «Boom prêt-à-porter femme» démonte sa devanture en verre. Sur des amas de pierres, des jeunes sont assis, l'air hagard, le regard perdu dans le lointain… Ils sont en quête d'une lueur d'espoir ou d'une esquisse d'explication à ce qui leur arrive. Le gérant de la rôtisserie Al Diafa est sous le choc : «On ne nous a pas avisés à l'avance de ce déménagement. Ici, 31 travailleurs activaient. Où vont-ils aller ? Quel sera leur sort ? Personnellement, je suis à l'abri du besoin et je pourrai m'en sortir. Mais eux, ils vont souffrir. J'ai un bail de location de 4 ans. J'ai payé une avance jusqu'en 2016. Je paie 90 000 DA d'impôts forfaitaires par trimestre. Et, comble du mépris, on nous a coupé l'électricité hier à 18h. Je ne suis pas contre les projets d'utilité publique, mais pas de cette manière.» En face de lui, un jeune me montre une affiche de Ali Benflis, collée lors de la dernière campagne électorale, portant le slogan : «Ensemble pour une société des libertés». Il fait dans l'ironie, voire dans la satire ! D'un jour à l'autre, il se trouve sous le rouleau compresseur de la machine administrative ! Un autre citoyen, la trentaine, qui tenait une boutique de téléphones portables et de «flexy», est rouge de colère. Il a très mal pris cette décision de le déloger de ce boulevard où il avait une importante clientèle. «Qui va acheter des Samsung Galaxy à 70 000 DA ou toute autre marque à Birtouta ? J'ai essayé de louer aux environs du Val d'Hydra, et on m'a proposé un local à 15 millions. Autant dire qu'on nous envoie au chômage. J'ai des enfants à nourrir ainsi que mon frère.» Un vieux tente de le raisonner et lui expliquer que cette avenue sera élargie et, donc, le délogement est justifié, mais le jeune ne veut rien entendre. Au niveau de la supérette Aït Braham, on met la marchandise dans des cartons. Un marchand de jouets accueille ses derniers clients. Dans quelques heures, il s'en ira, la mort dans l'âme. Adossé au mur, un autre jeune jette un regard pathétique sur les lieux. «Mon café a été le premier à être ouvert dans cet endroit. De quel droit le démolit-on ? C'est la politique et la loi du plus fort…» Il soupçonne une volonté d'accaparer les terrains au détriment des habitants et des locataires. «Nous ne partirons pas de là sans un engagement écrit de la wilaya sur les indemnisations et l'affectation des futurs locaux», lance un autre jeune. La crise de confiance à l'égard des responsables est totale ; elle est liée à leur incapacité à prendre des mesures pour redresser le pays. Sur la principale voie, cafétérias, kiosques à journaux, fast-foods et autres commerçants ont été délogés. Des magasins plus spacieux, servant de showrooms et de dépôts pour l'électroménager (Samsung, LG), sont aussi concernés par la démolition. Outre les populations, pas moins de 82 commerçants (alimentation générale, matériel informatique, parfumerie…) avaient loué en deuxième main chez les propriétaires squatters, payant des loyers allant jusqu'à 140 000 DA pour de modestes bicoques.