Après les vagues d'immigration successives de journalistes, écrivains et cadres et après celles des haragas et des étudiants, les nouveaux arrivants ne fuient ni les conditions sécuritaires ni les déboires économiques. Ils arrivent en France pour investir. Ils sont entrepreneurs et créateurs d'emplois. Nicolas Sarkozy trouvera difficilement à redire sur les nouveaux arrivants. On n'est plus dans l'immigration choisie. Les nouveaux arrivants en France ne quittent pas l'Algérie pour des raisons de sécurité et ne fuient pas une situation économique désastreuse. Ils arrivent à Paris les poches pleines et avec beaucoup d'idées. Ils n'ont qu'un seul projet en tête : investir en France. Souvent déçus par les flottements politiques et les changements de loi inopinés, ils cherchent une stabilité pour faire fructifier leurs affaires. Les fortunes sont diverses. S'installer en France et fonder un commerce n'est pas aisé. La plupart des Algériens qui le désirent se trouvent confrontés à la frilosité des services consulaires. Les visas D, long séjour, sont délivrés parcimonieusement. Or, légalement, pour acheter un commerce en France, il est indispensable de décrocher le fameux sésame (pour le contexte législatif se reporter à l'excellente intervention de maître Lasbeur dans El Watan daté du 3 août 2006). Sauf pour ceux qui décident de passer outre leurs visas touristiques et tenter une aventure aussi bien commerciale que personnelle. Dans la majorité des cas, le saut trouve son explication dans le désir de réaliser un rêve inassouvi. Mehdi vit un rêve éveillé. Venu en France comme touriste, il se retrouve à acheter un restaurant dans un quartier très branché de Paris. « Je devais aller à Turin mais à la dernière minute, j'ai changé d'avis et j'ai atterri à Paris. Je me suis donné une semaine pour régler mes affaires et repartir chez moi en Kabylie. J'avais en vue une belle affaire à Bougie. Puis, le mektoub m'a rattrapé. Je suis là à faire les dernières retouches à mon restaurant. Qui sait de quoi demain sera fait ? Normalement, je dois régler incessamment ma situation administrative. Je me suis lancé dans une aventure passionnante. J'espère juste que les clients afflueront », s'enthousiasme Mehdi. Le fils de la montagne, comme il se définit, est arrivé par un matin d'avril ensoleillé à Orly. « J'ai fait plein d'achats. J'ai écumé les magasins. Je me voyais à Orly une semaine plus tard. Puis, j'ai rencontré des amis, j'ai discuté, j'a vu les opportunités qui existent à Paris. Et j'ai décidé de créer une affaire pérenne. » Et Mehdi s'est retrouvé avec des affaires plein les armoires. Il a fallu tout expédier en Algérie. « Heureusement que je connais beaucoup de personnes qui se rendent en Kabylie. Sinon, j'aurais fait quoi avec tout ce que j'ai acheté ? » Mehdi ne se doute de rien. Il développe un esprit d'un homme d'affaires déterminé. Il a un planning tout préparé. « Je lance ce restaurant. Dans un an, j'achèterai un autre café et je ramènerai ma famille. Mes objectifs sont clairs, je ne vivrai pas seul à Paris, en me rendant une fois par an en Algérie. Ma famille sera à mes côtés. » Fric, appartement et dépendances U. Ravah (faux nom pour une vraie situation) est très en colère. Il en veut à la France pour l'avoir rejeté alors qu'il la désirait, et qu'il s'est donné sans compter pour elle. Entre U. Ravah et la France, c'est une histoire d'amour qui a mal finit. U. Ravah a tout misé sur son installation en France. Il en garde un souvenir amer. « Je suis propriétaire d'un 34m2 et j'ai créé un bureau de liaison avec registre du commerce en novembre 1994. Malgré mon statut de propriétaire et les ressources renouvelées de mes consultings, registre du commerce, et même les services de mon feu père, soldat en 1936-1939 et 1940-1945, la préfecture de Créteil a rejeté mes demandes de séjour et a même émis un avis d'expulsion alors que mes visites ne dépassent pas 60 jours par an. Imaginez pour gérer mon F1 dont les impôts (foncier, habitation, charges) nem'oublient pas. Je ne peux me rendre à ma propriété », s'indigne le PDG d'une société non loin d'Alger. U. Ravah est très en colère. Comme pour un amour déçu, il déterre les vieilles histoires. Son réseau de connaissances est mis à contribution. « Un ami avait acheté un hôtel 3 étoiles à Paris en 1994, dont, bien sûr, le registre du commerce a été délivré. Il s'est ensuite présenté à la préfecture pour un titre de séjour. Celle-ci l'a orienté vers Alger pour un visa D. Le consulat d'Alger lui a répondu que dans sa demande de visa, était bien spécifié ‘'pas le droit d'exercer une activité commerciale''. Depuis la révision desaccords d'Evian, en 1994, quand le Premier ministre de l'époque, M. Sifi, avait fait cadeau au ministre français de l'Intérieur, M. Pasqua, la situation n'a cessé d'empirer. Résultat : pas de visa pendant 24 mois et mon ami voyage depuis avec d'autres visas et a vendu son hôtel, délocalisant en Espagne. » U. Ravah est un amoureux de transit. Il s'est entièrement détourné de la France. « Mon seul but actuel est de vendre mon bien acquis et de ne plus m'orienter vers ce pays y compris mes activités professionnelles. » Pour l'instant, il n'existe aucune statistique officielle mais il est difficile de ne pas croiser ces entrepreneurs à Paris tant ils sont dynamiques. Aucun secteur d'activité ne leur échappe.