Le deuxième tour de l'élection présidentielle tunisienne semble s'enflammer avant même que l'ISIE ne fixe sa date. Des sympathisants à Marzouki ont manifesté ces derniers jours, dans quelques villes du Sud et à Kasserine, scandant des slogans anti-Caïd Essebsi. Mais y a-t-il un fond à ces surenchères ? Des rumeurs ont couru depuis quelques jours sur les réseaux sociaux, indiquant que Béji Caïd Essebsi a qualifié de terroristes les habitants du Sud tunisien et tous ceux qui ont voté pour Marzouki. Vérification faite, ni dans ses propos sur France 24 ou Radio Monte-Carlo, BCE n'a jamais cité les gens du Sud.Il y a donc anguille sous roche. Selon l'analyste politique Mohamed Boughalleb, le candidat-président Moncef Marzouki et son clan cherchent à faire monter les tensions parce qu'ils sont convaincus de leur défaite par les urnes, si la situation n'évolue pas. «Ce choix anarchiste est conforme avec les prévisions de Béji Caïd Essebsi concernant la réaction de ce même Marzouki à la veille de sa sortie du palais de Carthage», a ajouté Néji Jalloul, dirigeant à Nidaa Tounes. «En effet, lorsqu'un animateur de télé a posé la question à BCE : ‘Qu'est-ce que tu dis en ce moment à l'adresse de Marzouki ?' la réponse de BCE fut : ‘Je lui demande de sortir calmement au moment du départ'.» Pour Néji Jalloul, «ce qui se passe en ce moment, c'est de la surenchère de la part du camp de Marzouki, en désarroi. Ce sont des calculs électoralistes». BCE s'attendait donc à ce que Marzouki à des surenchères de la part de Marzouki au moment de quitter et qu'il va chercher par tous les moyens à s'agripper au palais, malgré les pouvoirs limités dont dispose le président provisoire. La dernière des trouvailles de l'équipe de com' de Marzouki, a été cette question de régionalisme, prêté à Béji et à Nidaa Tounes, dans des publications montées de toute pièce. Le porte-parole de Nidaa Tounes, Lazhar Akermi, y a répondu en disant que «Béji Caïd Essebsi ne peut pas s'excuser pour des déclarations qu'il n'a pas faites. Pour sa part, et en marge de la séance d'hier du Dialogue national, le président de Nidaa Tounes a répondu, comme de coutume, par une sourate du Coran à ces propos diffamatoires l'accusant de ce qu'il n'avait jamais dit». Course aux alliances De l'avis de tous les observateurs, Nidaa Tounes et Béji Caïd Essebsi sont appelés à une communication intelligente face à cette montée des périls qui veut saper la tenue même du deuxième tour de la présidentielle. Marzouki, en désespoir de cause, fait monter la tension à travers le pays, surtout après l'annonce des futures alliances. Même Hachemi Al Hamedi, le plus conservateur des candidats du lot de tête, est sur la voie de soutenir BCE, tout comme Slim Riahi. Ce qui est le cas, également, pour la quasi-majorité de l'électorat de Hamma Hammami, même si le Front populaire flotte encore entre le soutien à Béji et la neutralité. «Dans tous les cas, le front populaire est contre Marzouki», selon plusieurs de ses dirigeants. Ainsi, Marzouki n'a pu obtenir aucun soutien des candidats arrivés en 3e, 4eet 5e positions, ayant obtenu plus de 5% des voix. Par ailleurs, aucun candidat, même parmi la vingtaine qui ont obtenu moins de 1% des suffrages, n'a exprimé de soutien à Marzouki. Seul Abderraouf Ayadi, qui s'est désisté avant le scrutin du 23 novembre, l'a fait, alors qu'une bonne dizaine s'est prononcée en faveur de Béji Caïd Essebsi, ce qui a rendu furieux le camp de Marzouki. Cette nervosité des pro-Marzouki s'accentue en entendant des personnalités comme le secrétaire général du parti Watad, l'un des leaders du Front populaire, Zied Lakhdhar, affirmer que les Tunisiens «doivent faire barrage à Marzouki pour des raisons objectives. Marzouki n'est pas le choix de la stabilité. C'est triste d'en arriver à cette conclusion, car, théoriquement, le militant que fut Marzouki, devrait avoir le soutien de ceux qui ont lutté avec lui et l'ont soutenu. Mais je connais très bien le bonhomme pour savoir que ce n'est pas l'homme de la situation», a clairement déclaré le suppléant de Chokri Belaïd à la tête du parti Watad. Cette conviction de défaite attendue à travers les urnes a, semble-t-il, poussé Marzouki dans ses derniers retranchements où tous les coups sont permis : recours devant le tribunal administratif pour reculer l'échéance du deuxième tour, sollicitations répétées de Béji Caïd Essebsi pour former immédiatement le gouvernement malgré l'avis contraire du Dialogue national, des appels pour des manifestations à travers le pays, des menaces en cas de victoire de BCE, etc. Face à ces risques d'embrasement, la société civile et politique n'a cessé d'appeler à la retenue pour préserver le pays et réussir la fin de la transition. Rached Ghannouchi est monté au créneau. Il a rencontré Marzouki et lui a arraché un accord sur le report, après le deuxième tour de la présidentielle, de la nomination du nouveau gouvernement. Ghannouchi a lancé un appel à la raison, tout comme le quartette du Dialogue national. Au-delà du vainqueur final de cette présidentielle, il est nécessaire que toutes les organisations sociales et les partis politiques contribuent à faire baisser les tensions afin que la voix de la raison l'emporte. Il y va de l'avenir de la transition démocratique en Tunisie.