Plusieurs policiers ont trouvé la mort, hier, dans des affrontements avec des rebelles qui ont lancé une attaque contre un poste de circulation puis pris d'assaut un immeuble abritant des médias locaux à Grozny, capitale de la Tchétchénie dans le Caucase russe. La capitale de Tchétchénie a été hier le théâtre de violents affrontements entre les forces de l'ordre et des rebelles tchétchènes. Lors des combats qui ont eu lieu dans le centre de Grozny, 10 membres des forces de sécurité ont trouvé la mort et 28 autre ont été blessées, ont indiqué les autorités russes qui ont annoncé la fin de «l'opération antiterroriste». Un peu plus tôt, Ramzan Kadyrov, le président tchétchène, a annoncé de son côté la mort de neuf rebelles, selon l'agence de presse Interfax, portant le bilan provisoire des affrontements à 19 morts. Le dirigeant tchétchène a indiqué que les rebelles étaient «lourdement armés». Pour Ramzan Kadyrov, les rebelles «ont fait ça pour faire du bruit. On pensait qu'ils allaient le faire le 12 décembre (fête nationale de la Constitution russe) mais ils ont décidé de le faire aujourd'hui». L'attaque, qui a eu lieu à quelques heures seulement d'un discours très attendu au Parlement du président russe Vladimir Poutine, est un revers pour son protégé Ramzan Kadyrov, qui dirige la Tchétchénie depuis 2007. A l'aube, des tirs de mitrailleuses et à l'arme lourde se poursuivaient dans les rues de Grozny, où des blindés ont pris position après que des affrontements aient éclaté dans la nuit entre les forces de sécurité et un groupe de combattants. «Restez chez vous, ne vous approchez pas des fenêtres», conseillait alors Ramzan Kadyrov, dans la nuit d'hier, les habitants. Selon le Comité national antiterrorisme, cette attaque a été lancée à partir d'un rond-point par un groupe de rebelles dans le centre de Grozny. Les combats contre les forces de l'ordre se sont ensuite poursuivis dans un immeuble qui abritait des médias et dans une école. «De nombreux combattants sont entrés dans la ville», a affirmé un homme selon les sous-titres d'une vidéo postée sur le site kavkazcenter.com, ajoutant : «Nous, moudjahidine du Caucase, sommes entrés partout dans la ville (...) annonçait-il. Et nous nous battrons jusqu'à la mort.» Le combattant a invoqué la «défense des femmes musulmanes» pour justifier l'assaut, semblant ainsi faire référence à une polémique récente sur le port du voile dans cette petite République musulmane membre de la Fédération de Russie. En septembre, le dirigeant tchétchène proche du Kremlin, avait démenti cette interdiction tout en affirmant qu'il ne serait pas possible de cacher son visage. Les échanges de tirs ont détruit plusieurs bâtiments dont la maison de la presse où les insurgés s'étaient retranchés. Kamikaze Cette dernière, qui a été entièrement ravagée par les flammes, sera rénovée. «La maison de la presse sera reconstruite», a déclaré le président Ramzam Kadyrov. Par ailleurs, les autorités affirment que les rebelles envisageaient de mener une action terroriste majeure, qui a été déjouée par les forces de l'ordre. Ces affrontements interviennent deux mois après la mort de cinq policiers à Grozny, alors qu'ils empêchaient un jeune kamikaze de se faire exploser à l'entrée d'une salle de concert bondée. De plus, sept rebelles et deux policiers avaient été tués dans des affrontements dans la République voisine du Daguestan début octobre. De son côté, le ministère de l'Intérieur n'a pas fait de déclarations sur l'attaque. Les assaillants se sont réclamés du principal mouvement islamiste de l'émirat du Caucase, affirmant agir sous les ordres de son nouveau dirigeant, le cheikh Ali Abou Mouhammad. Ces agressions répétées ravivent les craintes d'un nouveau cycle de violences en Tchétchénie, à quelques jours du vingtième anniversaire du début de la première guerre russo-tchétchène, de décembre 1994 à août 1996. La Tchétchénie a longtemps été le théâtre de violences et d'instabilité dans le Caucase du Nord, avant de retrouver une certaine stabilité grâce à de vastes coups de filet dans les rangs de l'émirat du Caucase, mouvement qui a commencé à s'essouffler ces dernières années avec notamment la mort, en mars, de son fondateur et chef, Dokou Oumarov. Mais les liens récemment tissés avec le groupe Etat islamique (EI), implanté en Syrie et en Irak et qui compte dans ses rangs de nombreux Tchétchènes, semblent avoir donné un nouvel appui aux rebelles de l'émirat du Caucase. L'EI a d'ailleurs publié, en septembre dernier, une vidéo sur YouTube menaçant de déclencher une «guerre» en Tchétchénie et dans le Caucase afin de les «libérer» de l'emprise russe. «On oublie bien trop rapidement qu'on est loin d'avoir réglé la situation en Tchétchénie», s'est désolé l'analyste Alexandre Tcherkassov, de l'association de défense des droits de l'homme, Memorial. «Que veut dire cette nouvelle attaque? Que le maquis (de l'émirat du Caucase) existe toujours, et qu'il est capable de lancer des attaques au cœur même de la République», explique-t-il.