Le Hezbollah a trouvé la brèche dans les rangs de cette armée nantie de moyens ultramodernes. Israël recule. Pour la première fois de son histoire l'armée invincible du Proche-Orient bat en retraite devant une milice libanaise soudée autour de son chef Hassan Nasrallah. Le triangle que forment les trois villes visées par l'offensive terrestre au Sud-Liban, Maroun Al Ras-Aîtroun-Bint Jbeil qui se devait être « nettoyé » par le corps d'élite de l'armée israélienne s'est avéré être un véritable piège qui s'est vite refermé sur les unités blindées lancées à la conquête du fief du Hezbollah. La déroute a surpris aussi bien l'état-major de cette armée dont le commandant en chef vient d'être terrassé par un malaise que l'opinion internationale qui n'arrive pas à comprendre le paradoxe de ce conflit qui met aux prises l'une des puissances militaires de la région à un groupuscule de combattants accrochés à une parcelle du territoire libanais dans sa partie sud. Une leçon aussi pour les dirigeants du monde arabe effrayés à la seule idée de faire face à Israël pour qui ses désirs sont devenus presque des ordres dictés du haut des chars braqués depuis des décennies sur les territoires arabes. En usant d'une stratégie à la fois simple et graduelle dans son déroulement, alliant les techniques de «guérilla» au maniement subtil de missiles à portée variable, le Hezbollah a trouvé la brèche dans les rangs de cette armée nantie de moyens ultra-modernes dominatrice de l'espace aérien et maritime. En sous-estimant les capacités de «nuisance» de cette milice, se fiant à un service de renseignements performant sous d'autres cieux, en Palestine notamment, Israël s'est enfoncé dans un bourbier. Seuls objectifs atteints: les cibles civiles. Ponts, routes, bâtiments, usines, réservoirs de pétrole sont systématiquement pilonnés. Des tapis de bombes sont déroulés sur tout le Liban. Beyrouth est mise à genoux. Mais pas le Hezbollah. Ce dernier est déjà passé à l'acte 2 de sa stratégie. Ses missiles tombent, comme promis par Hassan Nasrallah, au-delà du Nord d'Israël. Désormais, aucun territoire ennemi n'est épargné. Quelle que soit l'appellation donnée à ce genre de roquettes, Khaïbar, Zelzel ou Katiouchas, l'essentiel est là. des villes, longtemps restées invulnérables aux yeux des Israéliens, accueillent aujourd'hui leur lot de feu et de destruction. Israël tremble au rythme des déflagrations de missiles aveugles qui font 8 m de longueur. Cinq missiles de ce type, porteurs d'une tête d'environ 200kg d'explosifs, ont touché vendredi dernier la ville d'Afoula, située à 47km de la frontière libanaise. Le déploiement des fameux missiles Patriotes, mis à la disposition d'Israël par les USA, autour des grandes métropoles israéliennes dont Tel-Aviv n'a eu aucun effet sur la menace venant du ciel. Les observateurs n'ont pas omis de signaler que ces missiles sont en vérité destinés à contrecarrer d'éventuelles frappes lourdes venant de territoires lointains autres que ceux du Liban. Le champ d'action du Hezbollah s'élargit. Il porte la guerre au coeur même d'Israël. Israël qui n'a jamais été préparé à une guerre d'usure vit pour la première fois de son existence, dans la région, l'expérience d'un conflit allant au-delà d'une dizaine de jours. Un risque qui ne semble pas avoir été pris en compte dans la stratégie militaire conçue en commun avec les stratèges américains qui ont déjà fait fausse route en Irak. La guerre contre le Hezbollah n'est plus une balade de santé des éléments du Tsahal mais une aventure aux lendemains incertains. Le ballet diplomatique de l'émissaire de Bush, Condoleezza Rice, est un signe d'affolement très perceptible. Le triumvirat USA-Israël-Grande-Bretagne ne sait plus s'il faut arrêter cette guerre ou donner encore plus de temps et de chance à l'armée israélienne pour neutraliser le Hezbollah. Car il n'est plus question de détruire cette milice mais de l'éloigner des frontières pour éviter ses missiles. Au fur et à mesure que les journées s'égrènent, les objectifs militaires israéliens sont revus à la baisse. Un cessez-le-feu sans son lot de «prises» serait synonyme de défaite pour Israël. Hassan Nasrallah avait, quant à lui, déjà signifié que le simple fait de résister à la furia de l'armée ennemie était synonyme de victoire précieuse. La bataille gagnée à Bint Jbeil est un signe prometteur pour les troupes du Hezbollah qui n'ont pas fait seulement dans la résistance. Ils ont fait retourner Israël sur ses pas, en laissant toujours ouverte la voie de la paix et du dialogue, en subordonnant toute action diplomatique à un échange de prisonniers comme le font deux belligérants dans le feu de l'action. Et ça, c'est déjà une marque de respect envers un mouvement de résistance qui commence à se frayer un chemin au Proche-Orient.