Le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, a annoncé, jeudi devant les députés, la programmation, pour le premier trimestre 2015, des trois grandes affaires de corruption qui ont gravement entaché, à l'étranger, le crédit de l'Algérie ou ce qu'il en reste. Il s'agit des dossiers de Sonatrach I, Khalifa et du projet de l'autoroute Est-Ouest. Bien qu'il s'agisse d'une procédure normale, ces trois affaires sont passées par toutes les étapes procédurières de l'instruction ou du pourvoi en cassation devant la Cour suprême (c'est selon) pour être jugées ou rejugée pour le cas de l'affaire Khalifa. La lenteur de l'instruction pour ces trois dossiers, qualifiés de scandales d'Etat au regard des personnalités directement impliquées ou mêlées à un titre ou à un autre à ces affaires et citées en Algérie et à l'étranger, a soulevé doutes et interrogations au sein de l'opinion publique, la classe politique et la défense des prévenus qui ne comprennent pas les atermoiements de la justice pour ouvrir ces procès que les Algériens attendent avec impatience. D'autant que face au peu d'empressement manifesté par la justice algérienne pour juger ces affaires, qui ont mis l'Algérie sous les feux de la rampe dans la posture peu enviable de pays gangréné par la corruption, les juridictions étrangères : italienne, canadienne, égyptienne ont réagi avec célérité et efficacité en épinglant des personnalités proches du pouvoir, comme Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie, ou bien des accusés protégés par des hommes influents du sérail, à l'instar de Farid Bedjaoui, neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. Le grand déballage fait à l'étranger par ces affaires, ajouté aux pressions exercées sur l'Algérie par les ONG chargées de la lutte anticorruption – comme Transparency International qui cite notre pays régulièrement pour ses «performances» en la matière – ont certainement beaucoup influé sur la décision de la justice algérienne de franchir un nouveau pas en enrôlant ces affaires. C'est le minimum qui pouvait être fait pour, d'une part, réparer cette injustice faite aux prévenus dont la violation des délais de détention préventive est vivement dénoncée par la défense, et d'autre part, pour tenter de desserrer l'étau des pressions internes mais surtout internationales exercées à raison sur l'Algérie. Continuer indéfiniment à pratiquer la politique de l'autruche en prétextant des considérations de procédures liées à l'instruction, alors que notre linge sale est en train d'être lavé à grande eau par les juridiction étrangères, ne peut être comprise que comme une volonté de cacher la vérité et de protéger les intérêts de cercles influents du pouvoir. L'ouverture de ces procès ne doit pas être une fin en soi. La justice et le pouvoir seront jugés sur leur capacité à faire toute la lumière sur ces dossiers noirs du règne de Bouteflika. Le premier procès Khalifa de Blida avait créé l'événement en terme de gestion audacieuse de cette affaire, grâce au courage et à la compétence de la magistrate en charge du dossier, Mme Fatiha Brahimi, qui a bousculé le carcan de l'appareil judiciaire en citant à comparaître des ministres en tant que témoins. Même si l'on connaît la tournure prise par la suite par ce dossier, ce procès aura néanmoins fait date dans les annales judiciaires algériennes. Mais cela ne suffit pas, comme on l'a vu, pour la manifestation de la vérité. De toute la vérité.