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Nous sommes tous des Kamel Daoud
Appel au meurtre contre l'écrivain

Il est paradoxal qu'un roman comme celui de Kamel Daoud puisse passer à peu près inaperçu en Algérie après avoir été couronné dans le monde.
Une tirade de 150 pages — en passe d'être traduite dans plusieurs langues — qui puisse tenir en haleine le lecteur, c'est la gageure que Daoud a relevée parce qu'il a écrit un livre dans un style remarquablement riche, rempli de colère et d'exaltation. Mais que raconte donc Daoud de si profond qui puisse déranger autant les censeurs ? Comment ose-t-il s'attaquer à l'œuvre monumentale de Camus ? Pour Camus qui décrit l'absurdité de la vie, celle-ci est dès l'origine dénuée de sens parce que la mort est attachée à la vie, inéluctablement. Meursault tue alors l'Arabe sans raison. Pour paraphraser Dostoïevski, si la vie est absurde, tout est permis.
Mais l'Arabe, dit Daoud, est un homme, un homme à qui il faut donner un nom, une sépulture. Ce qui préoccupe Daoud n'est pas tant la condition humaine dans sa généralité et sur laquelle au fond on n'a que peu d'emprise, mais la condition particulière de l'homme, des hommes comme Meursault, Moussa (la victime de Meursault), vous ou moi. En somme, plutôt que la question du sens – inaccessible – de l'existence humaine et de son irrationalité qui est le point de départ des préoccupations de Camus et du courant existentialiste, il préfère se focaliser immédiatement sur l'absurdité du comportement humain tel qu'il est enfanté par la société.
En somme, ce qui intéresse Daoud, ce n'est probablement pas tant la gratuité du meurtre de Meursault — consécration ultime de l'absurdité de la condition humaine — mais la négation du statut de Moussa, victime de l'irrationalité de Meursault. Il y a là un premier glissement important. Camus estime, face à l'absurdité de la condition humaine, que l'homme et la société s'en sortent comme les juges de Meursault : en cherchant par des artifices à forger une rationalité là où il n'y en a pas à l'origine, où rien n'est interdit et à rendre celle-ci opposable à tous. Daoud prend le contre-pied en estimant que c'est l'homme et la société qui créent l'absurdité de leur propre condition indépendamment de leur problème existentiel dont ils ne peuvent maîtriser ni les tenants ni les aboutissants.
Ainsi, Haroun est condamné par les djounoud non pas parce qu'il a tué le Roumi sur injonction de sa mère, en représailles au meurtre de son fils, mais parce qu'il l'a fait le 5 juillet, soit 24 heures en retard : vous l'auriez tué hier, lui dit-on, vous auriez été un héros et un libérateur, mais aujourd'hui vous êtes un assassin. Autre exemple, la mère porte le deuil de son fils comme dans un rôle de cinéma : ce n'est plus tant la douleur (cela faisait des années que son fils Moussa avait été tué par le livre de Camus sur la plage) mais la société qui lui impose un protocole de conduite en pareil cas qu'elle se doit de jouer pour l'éternité.
Pour Daoud, la société ne cherche pas nécessairement à se créer une rationalité dans une vie fondamentalement absurde comme le soutient Camus ; au contraire, elle est capable de secréter ab initio des comportements absurdes. Autrement dit, pour Daoud, le monde n'est pas chaotique originellement mais l'est par ce qu'en font les hommes. Cette position est riche en ce qu'elle appelle une praxis : Camus interprète le monde comme dirait Marx, Daoud propose au fond de le changer en scrutant le comportement humain — au lieu de la condition humaine — et en l'érigeant comme point de départ de son investigation.
Mais dans un cas comme dans l'autre, il y a l'espoir sur lequel les deux auteurs se rejoignent. Celui-ci est cependant posé comme hypothèse chez Camus : Sisyphe, malgré sa punition par les dieux, est heureux sans qu'on sache pourquoi ; Meursault découvre à la veille de son exécution le monde, les odeurs de sel et les étoiles et nous dit aussi qu'il est heureux ; dans La Peste, les gens se mobilisent pour combattre le fléau mais là encore, on ne sait pas clairement d'où leur vient cette soif de résistance, sinon pour dépasser leur problème existentiel.
En revanche pour Daoud, si l'absurdité de la condition humaine est une propre production de la société, alors la société peut également être génératrice d'espoir. Pour Camus, bien que la mort soit attachée à la vie, la vie vaut la peine d'être vécue ; pour Daoud, les sociétés sont libres dans leur devenir, elles sont donc également capables de créer historiquement de l'espoir pour l'humanité. Le livre de Kamel Daoud est une œuvre algérienne qui devrait être étudiée dans les lycées, Mme Benghebrit, tout comme le fut un certain temps l'œuvre de Camus car elle fait partie désormais du patrimoine de la philosophie, de cette philosophie universelle, mère des sciences, dont l'enseignement a progressivement disparu dans les faits de l'école algérienne.
Au lieu de cela, une fatwa appelle à sa condamnation à mort. Ces «fatwieurs» estiment donc que je dois ôter la vie à celui qui ne pense pas comme moi. Belle réponse à Voltaire qui aurait dit à un abbé qu'il n'était pas d'accord avec ses idées mais qu'il se battrait toute sa vie pour qu'il puisse les exprimer. N'eut été le tragique de la situation de Daoud, on se serait mis à croire, par une ironie du sort, qu'il ne s'agit que de la continuation de son livre.
Cette situation est en effet l'image de l'absurdité de la vie de tous les jours qu'il décrit dans son propre livre et que lui renvoient les impotents bardés de certitudes qui jugent, qui condamnent, qui ont horreur qu'on les dérange dans leurs certitudes, qui répondent à la pensée et aux lectures par l'appel au meurtre. J'ai envie de dire à ces accusateurs : êtes-vous capables d'écrire, montrez-nous ce que vous êtes capables de produire ?
Pour reprendre une chronique de Daoud même, je leur pose la question : à quoi servez-vous, quel est votre apport ? Quelle est votre relation à l'humanité d'aujourd'hui, à sa compréhension et au cours de son histoire ? Daoud a écrit un livre qui appartient désormais à la littérature universelle que l'on soit ou non d'accord avec sa pensée ; par contre vous, vous êtes nus dès que les hommes et la société, dans un sursaut de conscience, vous auront ôté ce privilège qui est actuellement le vôtre : celui de délivrer les fatwas de la mort.


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