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«La littérature est ce qui nous reste pour interroger le monde»
Kamel Daoud. Romancier et journaliste
Publié dans El Watan le 02 - 11 - 2014

Kamel Daoud est la star du 19e Salon international du livre d'Alger, SILA, qui se poursuit au Palais des expositions des Pins maritime (Safex), jusqu'au 8 novembre. Son dernier roman Meursault, contre- enquête fait sensation. Vendredi, au stand des éditions Barzakh, les lecteurs étaient nombreux à saluer l'écrivain sélectionné dans la short list du prestigieux prix Goncourt. Kamel Daoud fait «parler» le frère de l'Arabe assassiné par Meursault dans le roman L'Etranger d'Albert Camus. Le livre a déjà obtenu plusieurs distinctions, dont le prix François Mauriac et le Prix des cinq continents.
-Votre roman Meursault, contre-enquête a eu un grand écho presque une année après sa parution aux éditions Barzakh, à Alger, (le livre est paru aux éditions Actes Sud en France). La bonne réception du livre, notamment en France, a-t-elle une explication ?
Il peut exister des explications géopolitiques. Mais, je pense qu'on doit s'arrêter aussi à la valeur de quelqu'un et de son écrit. Il y a dans la récompense des raisons objectives. On ne récompense pas une œuvre qui ne soit pas bonne à la base. La réception de mon roman est peut-être liée au fait qu'Albert Camus reste un champ porteur de polémiques, d'histoire et de malaise dans les rapports algéro-français.
Camus reste un des grands interrogateurs du XXe siècle. Et tout ce qui se dit à partir ou autour de Camus intéresse beaucoup de monde. Autre chose : il se trouve que c'est un Algérien qui a écrit cette contre-enquête. Ce n'est donc ni un Japonais ni un Brésilien. Cela prend donc un sens et une force à la surinterprétation. Cela prend un sens autre que le simple fait littéraire. J'ose espérer que ce que j'avais essayé de faire, c'est-à-dire écrire quelque chose qui soit de l'ordre du fait littéraire, ait pu interpeller beaucoup de lecteurs.
-Quel a été justement le déclic pour écrire Meursault, la contre-enquête ?
La littérature est pour moi la plus-value apportée à l'existence. La littérature fabrique du sens. La grande crise actuelle dans le monde et dans le monde dit arabe est justement liée au sens. Actuellement, tout ce qui offre du sens est l'idéologie islamiste ou le sacré. En dehors de l'alternative du sacré, il n'existe pas un fait, un acte, une pensée qui offre du sens. On n'a pas de système philosophique. Nous n'avons pas de grandes œuvres qui interrogent le monde. La littérature est ce qui nous reste pour interroger le monde et pour essayer de construire quelque chose dans ce monde.
-De toutes les œuvres de Camus, vous avez pris L'Etranger. Pourquoi ?
Ce roman m'interpelle. Je trouve l'histoire très belle. C'est un prétexte littéraire fabuleux. Je ne suis pas un écrivain, mais un réécrivain qui rêve de réécrire les grandes œuvres mondiales. Mais Camus n'est pas une vie pour moi. Le prochain roman n'aura aucun lien avec Camus ou avec d'autres.
-Certains ont dit que dans Meursault, contre-enquête Kamel Daoud «répond» à Albert Camus. Est-ce réellement une réponse ?
Non, ce n'est pas une réponse à Camus. C'est un hommage à Camus. C'est une interrogation d'une des œuvres d'Albert Camus. J'essaie, en fait, de répondre au monde, pas à Camus. Il y a dans cette histoire quatre personnages : Meursault, Moussa, Camus et moi. Les trois premiers sont morts, moi je suis vivant.
-Qu'en est-il de la «contre-enquête» donc ?
Du point de vue littéraire, il y a quelque chose de fascinant dans l'œuvre de Camus. Le personnage Haroun le dit dans le livre : «C'est l'unique fois au monde où l'on ne trouve pas le cadavre d'un crime avoué par son auteur». Dans le roman policier traditionnel, nous avons le cadavre, mais pas le meurtrier. Dans L'Etranger de Camus, nous avons le meurtrier, mais pas le cadavre !
-Camus suscite toujours la controverse. Que pensez-vous de tout ce qui se dit autour du romancier français né en Algérie ?
La controverse n'est que franco-algérienne. Et le monde ne se compose pas uniquement de l'Algérie et de la France. En Egypte, en Afrique du Sud ou ailleurs, Camus est interrogé autrement.
-Faut-il alors dépasser ces polémiques autour de Camus ?
Bien sûr ! A chaque fois, notamment dans les ventes-dédicaces, on me sort la fameuse phrase de Camus (en 1957, à Stockholm, en Suède, Albert Camus avait déclaré : «Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice»). Je réponds, pour taquiner un peu les gens, en disant que si j'avais à choisir entre cinquante œuvres de Camus et une phrase, je jette la phrase et je garde les livres. La littérature de Camus est splendide, bien écrite. C'est une littérature qui a été essentielle dans ma vie. Des livres tels que L'homme révolté (sorti en 1957) m'ont marqué, m'ont restitué la dignité d'être un homme. Camus n'est ni Algérien ni Français, c'est un interrogateur du monde.
-Et un prix Goncourt pour un auteur algérien qui vit et qui écrit en Algérie, cela vous évoque quoi ?
Peut-être que cela peut restaurer la confiance en soi, aux écrivains algériens. Nous sommes en déficit d'images saines de nous-mêmes. Cela peut également signer et signaler le fait que la langue française s'est autonomisée ailleurs. Le français peut donc être créatif sans avoir besoin de la France comme espace. Cela peut également signifier qu'on peut être Algérien, en Algérie et écrire.
-Vous avez déclaré que vous serez heureux de recevoir un prix en Algérie...
Qui ne rêverait pas d'un succès reconnu par ses pairs ? Le succès prend une autre dimension quand il est décerné par les pairs.
-Dans l'espace littéraire et artistique en Algérie, il existe beaucoup de jalousie...
C'est humain, pas uniquement algérien. Mais bon, vous me tendez la perche pour que je sois méchant, je ne le serai pas !
-C'est «bien» d'être méchant parfois...
Je le suis déjà assez dans mes chroniques dans le journal.
-Etes-vous libre ? Ecrivez-vous tout ce que vous voulez dans Le Quotidien d'Oran ?
Grosso modo oui, je le suis. Enfin, je ne publie pas tout ce que je veux, mais je dispose d'un espace de liberté. Cela dit, je n'aime pas le mot «disposer», parce que cette liberté ne m'a pas été donnée. Je pense que la liberté, cela se négocie, s'obtient, se construit et se défend. Il faut que la liberté soit morale pour qu'elle puisse être défendue. J'écris non pas pour attaquer des personnes, mais pour évoquer des situations qui m'interpellent. J'ai un amour désenchanté de l'Algérie. Je ne suis pas dans la haine de soi telle que je l'interprète. Disons que je suis dans le désenchantement douloureux.
-Etes-vous favorable à la création de prix littéraires en Algérie ?
Oui, il faut créer plusieurs prix littéraires dans le pays. Il faut que le champ intellectuel algérien s'autonomise par rapport au pouvoir. Tant que l'on est dans une situation de soutien financier ou de reconnaissance liée au régime, on ne pourra pas s'autonomiser et créer la valeur par nous-mêmes. L'autonomie du champ éditorial doit être celle des écrivains, des éditeurs, des universitaires. Pourquoi avons-nous toujours ce rapport de sujétion par rapport à un centre de décision étatique ? Je me pose la question.
-Peut-être que les divisions, les clivages, le régionalisme empêchent les intellectuels, les artistes, les universitaires, tous ceux qui sont dans le champ culturel de se retrouver, de travailler ensemble…
Il y a d'autres pays plus divisés que nous, mais qui n'en font pas un prétexte pour ne pas dire, ne pas écrire, ne pas valoriser l'autre. Quand on produit du sens, nous n'avons pas besoin de dire que cela a été fait en français, en arabe ou en tamazight. On peut aller au-delà de cela.
-Quand vous lisez la littérature algérienne écrite en arabe ou en français aujourd'hui, avez-vous l'impression qu'elle évolue ?
Le roman écrit en arabe n'arrive pas, autant que la langue, à se libérer du poids du sacré. Le romancier égyptien Alaâ Al Aswani m'a fait la remarque dernièrement. Il m'a dit qu'il est frappé de la proximité existant entre la langue arabe et le sacré en Algérie. Il m'a également dit qu'en Egypte on peut être athée, laïc et arabophone. En Algérie, il est difficile de l'être. Pour le roman en français, je salue les gens de ma génération qui écrivent toujours et malgré tout.
-Une vie après Meursault, contre-enquête ?
Il y a aura d'autres livres. Je suis sur deux pistes : roman et un essai. Je n'ai pas à en dire plus pour ne pas perdre le désir d'écrire ces livres. C'est un peu superstitieux de ma part.
-Quelle différence existe-t-il entre le chroniqueur et l'homme de lettres ?
Ce n'est pas le même nombre de signes. En même temps, on ne brasse pas le même sens et le même désir du sens. Là, on parle d'actualité, là-bas on évoque l'histoire.


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