Il est 8h. La nouvelle de l'élimination du chef de la branche de Daech en Algérie, Gouri Abdelmalek alias Khaled Abou Selmane, a déjà fait le tour de la ville de Si Mustapha, à 20 km de Boumerdès. Ce chef terroriste au parcours sanglant n'est pas étranger à la région. Il est né et a grandi dans le village voisin de Boudhar, au bord de la route menant à Zemmouri. Les deux amis sirotaient un thé, scotchés à leur petit écran à l'affût d'éventuels détails. «C'est la meilleure information de l'année. Ce terroriste est très dangereux. Il a tué et il est tout à fait normal qu'il soit, lui aussi, tué à son tour», lance l'un d'eux. Mais les habitants de la région ont été surpris que le chef de Jund El Khilafah soit abattu à l'entrée de la ville des Issers, à l'est de Boumerdès. Quand le renseignement va… Au moment où d'aucuns pensaient qu'il écumait les maquis les plus denses de la région, lui était à 4 km de chez lui, à bord d'un véhicule de type Partner avec deux de ses acolytes. Ironie du sort, les trois terroristes ont été éliminés à quelques mètres du portail de l'Ecole supérieure de la Gendarmerie nationale (ESGN). Un lieu qui a été le théâtre d'un des attentats les plus meurtriers depuis l'avènement du terrorisme en Algérie. Il s'agit de l'attentat kamikaze perpétré en août 2008, qui avait coûté la vie à 45 jeunes candidats à l'accès audit établissement. L'acte avait été commandité par Gouri Abdelmalek, alors qu'il était émir de katibat El Arkam. Hier vers 10h, rien n'indiquait que quelque chose de particulier s'y était passé la veille. Les gens vaquaient le plus normalement du monde à leurs occupations. Le café d'en face était, comme à l'accoutumée, bondé de monde. Hormis les impacts de balle visibles sur le mur de l'ESGN, aucun signe ne laisse penser que trois terroristes, et pas des moindres, sont tombés là. Cela démontre que l'opération a été minutieusement préparée. La preuve, aucun civil n'a été blessé. «J'étais attablé au café El Waradi, juste à côté. Il était 23h quand j'ai entendu des coups de feu, mais je ne savais pas que c'était une embuscade. Certains pensaient que c'étaient des pétards alors que d'autres se sont réfugiés à l'intérieur des cafés et restaurants alentour. Ce n'est qu'à l'arrivée des gendarmes que j'ai compris ce qui s'était passé», relate un trentenaire habitant à la cité Chaâbani. Et son ami d'enchaîner : «Les trois sanguinaires étaient à bord d'un Partner de couleur blanche. Ils venaient du côté d'Alger, mais il me semble qu'ils étaient suivis. Ils ont été éliminés dès qu'ils ont dépassé le virage et pris la route menant vers Chabet El Ameur.» «Les services de sécurité savaient pertinemment que c'étaient des terroristes», soutient-il. Selon une source sécuritaire, l'embuscade a été menée par un groupe d'élite spécialisé dans la lutte antiterroriste. «Maintenant, je peux te dire qu'on a une armée professionnelle. Ça s'est passé comme dans les films», lance un autre témoin avec fierté, ajoutant que les terroristes n'ont même pas eu le temps de riposter. Selon lui, l'opération a duré une dizaine de minutes. Une fois les terroristes éliminés, les dépouilles d'Abou Selmane et de ses deux acolytes ont été transférées par les éléments de la Gendarmerie nationale vers la morgue de l'hôpital de Thenia. Hier vers 10h, le ministère de la Défense nationale affirmait dans un communiqué que «cette opération qualitative a permis la récupération de deux fusils automatiques de type kalachnikov, une ceinture explosive, une importante quantité de munitions, des téléphones portables et d'autres objets». Le MDN a précisé qu'un des terroristes abattus n'était autre que le dangereux criminel Gouri Abdelmalek, qui a revendiqué l'assassinat du Français Hervé Gourdel en septembre dernier. L'un de ses deux accompagnateurs a été identifié comme étant le dénommé Mohamed Khelifi (37 ans), lui aussi originaire de Si Mustapha. Ce terroriste est présenté comme le bras droit d'Abou Selmane ; les deux hommes avaient rejoint les groupes islamistes armés le même jour, en 2000. Leur séjour aux maquis a trop duré, mais il a fort heureusement pris fin hier au grand bonheur de millions d'Algériens qui ont tant souffert de leurs exactions.