Avec sa dépendance basée uniquement sur des exportations d'hydrocarbures, l'économie algérienne se retrouve vulnérable après la chute du cours du baril. Le conseil restreint consacré à la chute des prix du pétrole et ses retombées sur la démarche économique et sociale du pays, présidé mardi soir par le président Bouteflika, a donné lieu à un constat peu reluisant de la situation actuelle du pays, qui risque de revivre une nouvelle crise économique à court terme. Après des années d'aisance financière non mises à profit pour sortir le pays de sa trop forte dépendance des exportations d'hydrocarbures, le Président recense les dégâts et instruit le gouvernement de mettre fin aux gaspillage, à la fuite de capitaux, de rationaliser les importations et de réduire le train de vie de l'Etat tout en préservant la paix sociale à travers les subventions. Le président de la République a ainsi relevé que «la crise actuelle des prix du pétrole est sévère, avec des perspectives imprévisibles à court terme». Un constat qui rejoint le bilan alarmant établi, il y a quelques jours, par le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, sur la vulnérabilité du pays aux chocs externes dans la conjoncture difficile actuelle, et ses mises en garde à l'adresse du gouvernement. Ce dernier a été chargé de «suivre les derniers développements sur le front du pétrole et d'examiner, trimestriellement, toute adaptation qui s'avérerait nécessaire dans la gestion économique et budgétaire». Le chef de l'Etat, tout en affirmant que l'Algérie «dispose d'une certaine marge de manoeuvre résultant d'un désendettement public anticipé quasi-total, des réserves de change constituées, ainsi que de l'épargne publique accumulée au niveau du Fonds de régulation des recettes», reconnaît tout de même la gravité de la situation suite aux pertes considérables subies par le pays dans le sillage du prix du baril dégrossi de 50% de sa valeur en quelques mois. Face au peu d'empressement de l'Exécutif de prendre les mesures qui s'imposent, le Président a donné, mardi, des directives de gestion urgente de la crise au gouvernement, qui semblait depuis quelques semaines figé dans des attitudes stéréotypées et un discours faussement optimiste, loin de toute logique économique. L'Exécutif est ainsi rattrapé par les mauvaises nouvelles qui s'accumulent sur le plan financier et se fait rappeler à l'ordre afin de «s'atteler à la rationalisation de la dépense publique, notamment au niveau du budget de fonctionnement (…), de veiller à une plus grande participation des entreprises nationales publiques et privées à la réalisation des projets publics aux côtés des entreprises étrangères (…), de préserver la balance des paiements du pays en veillant à la rationalisation des importations et au renforcement du contrôle des opérations de financement du commerce extérieur, pour prévenir toutes formes d'évasion de capitaux». Il aura fallu ainsi que la crise soit à nouveau à nos portes pour que soit réitéré tel un vœu pieux : «L'impératif de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des hydrocarbures et de la diversification de l'économie nationale.» Encore une fois, le gouvernement est instruit d'engager les mesures évidentes «requises pour la dynamisation des secteurs de l'industrie, de la pétrochimie, de l'agriculture, du tourisme et des nouvelles technologies de l'information et de la communication». Course contre la montre Face à l'urgence, l'équipe de Sellal est sommée de rendre compte au chef de l'Etat des progrès réalisés «au cours du premier trimestre 2015». Un délai qui semble très court pour une mission qui devait être accomplie par l'Exécutif depuis quelques années déjà. Il en est de même concernant les directives données par Bouteflika à l'exécutif au sujet de «l'intensification des réformes au niveau du secteur financier pour dynamiser le développement de l'entreprise, la mobilisation de l'épargne locale, et le financement des investissements de la sphère économique». Une tâche qui s'annonce d'ores et déjà ardue dans un laps de temps restreint. Le Président confirme aussi le maintien du programme quinquennal 2015-2019 et exige que tous les projets soient réalisés dans les temps pour assurer la croissance projetée à l'horizon 2019. Bouteflika a ainsi instruit le gouvernement d'«exclure toute remise en cause de la politique d'investissements publics, qui demeure le moteur de la croissance et de la création d'emplois et qui permet aussi de répondre aux besoins sociaux de la population, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement et de la formation, de la santé et du logement. A ce titre le programme quinquennal d'investissements publics sera maintenu, tout en adaptant le rythme et les priorités de lancement des nouveaux projets et en veillant aussi à la maîtrise de leurs coûts». Au delà du budget d'ores et déjà disponible pour le prochain plan quinquennal, quels autres revenus le gouvernement va-t-il pouvoir mobiliser pour s'atteler à diversifier l'économie, accroître la production nationale, relancer l'industrie l'agriculture et concevoir du néant un secteur touristique créateur d'emplois et de richesses ? Au lendemain du conseil restreint présidé par Bouteflika, l'inquiétude reste en tous cas intacte, tant il est évident que le gouvernement, qui a péché par trop d'assurance et un manque d'anticipation flagrant, n'a pas en mains les atouts qui lui permettent aujourd'hui d'actionner en urgence les mécanismes de sortie de crise, alors que les recettes des hydrocarbures s'amenuisent et que les importations sont devenues un sport national, engloutissant des dizaines de milliards de dollars par an. L'Exécutif ne dispose que d'une marge de manœuvre très réduite pour agir rapidement et efficacement contre les effets de la chute du prix du pétrole sur l'économie nationale. Sans forcément verser dans le pessimisme honni par Sellal, il est plutôt réaliste d'affirmer qu'au delà de l'année de 2015, l'incertitude économique reste totale. Bouteflika lui-même reconnaît des «perspectives imprévisibles» sur les équilibres économiques, sociaux et sécuritaires du pays dans le sillage de la chute du pétrole.