Les rapports entre la littérature et le cinéma avaient fait l'objet d'une rencontre très intéressante lors du dernier Salon international du livre d'Alger. En effet, dans le monde entier, le 7e art s'est copieusement nourri des romans pour alimenter ses contenus. En 1902 déjà, le pionnier que fut Georges Méliès avait adapté à l'écran Le voyage dans la lune du visionnaire Jules Verne. Depuis, les adaptations sont devenues un genre cinématographique souvent généreux pour ses adeptes, même s'il faut y compter de cuisants navets. Un genre qui a connu des maîtres, à l'image de Stanley Kubrick dont presque toutes les œuvres venaient de la littérature. Peu de films algériens ont emprunté cette voie pourtant intéressante quand, depuis des décennies, on se plaint sans cesse de la pénurie de scénarios. Tout juste si nous pouvons aligner approximativement une douzaine d'adaptations. Et encore, pour atteindre ce petit nombre, nous devons y inclure des films produits ou coproduits par l'Algérie mais réalisés par des cinéastes étrangers : L'Etranger (1968), de Luchino Visconti, d'après Albert Camus ; Z (1969), de Costa Gavras (lui aussi champion de l'adaptation) d'après Vassilis Vassilikos ; Elise ou la vraie vie (1970), de Michel Drach d'après Claire Etcherelli. Bien sûr, cette faiblesse numérique des adaptations est à mettre en relation avec une production globale qui, même en ses plus fastes années, ne s'est jamais distinguée par des records, faute d'une industrie du cinéma comme celle de l'Egypte, pour rester dans des comparaisons éventuellement plausibles. De manière récurrente, on entend des hommes de cinéma, mais aussi de théâtre, se plaindre de l'absence de textes. A l'évidence, ces disciplines perdent à ne pas s'intéresser plus à la littérature. En miroir, la littérature perd à ne pas se voir portée à l'écran ou sur scène, car ces lieux sont, pour elle, de formidables supports de promotion. Dans l'enquête du sociologue Hadj Miliani sur la lecture en milieu étudiant, dont nous avions publié une synthèse ici (Arts & Lettres, 29/11/14), il apparaissait clairement que les romans les plus connus étaient ceux qui avaient gagné les faveurs du cinéma ou de la télévision. Ce n'est pas un hasard si L'Incendie de Mohammed Dib, pour avoir fait l'objet du feuilleton-culte de Mustapha Badie, arrivait en tête des citations. Il en ressort que ces mondes-là ne devraient pas attendre un salon du livre annuel pour se rapprocher. Les romans algériens classiques et contemporains regorgent de thématiques, de situations et de personnages qui constituent un bon gisement potentiel. Nous disons potentiel, car dans le jeu créatif induit par une adaptation, le romancier et le réalisateur ne peuvent se passer d'un «traducteur» : le scénariste. Et si la pénurie de scénarios n'était finalement qu'une pénurie de scénaristes ?