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Fournée de planches
Survol : Dernières productions de bande dessinée algérienne
Publié dans El Watan le 27 - 12 - 2014

Ces dernières années, la bande dessinée algérienne connaît un regain. Le festival consacré à cet art, le Fibda, a servi de tremplin à de nouveaux créateurs tout en remettant en lumière des auteurs confirmés plus anciens. Si l'apport de cette manifestation est avéré, il est certain que les talents étaient là, en potentiel, dans une société qui a longtemps été privée de bande dessinée, mais où la passion de cet art est restée répandue, profondément ancrée dans plusieurs générations depuis l'aventure unique de la revue M'Quideche (1969-1974).
On assiste aujourd'hui à un accroissement de la production qui concerne autant la BD «classique» que les mangas remarquablement portés par les jeunes lecteurs. A la faveur du dernier Salon international du livre d'Alger, plusieurs albums ont été promus auprès du public. Honneur aux anciens, nous commencerons par Benattou Masmoudi. Ce sexagénaire, qui a étudié à l'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger, a effectué une longue carrière de décorateur à la télévision et d'architecte d'intérieur. Mais il n'a jamais cessé, à ce jour, de créer des bandes dessinées avec une prédilection pour l'histoire de l'Algérie.
Il s'est intéressé ainsi à la période ottomane avec Raïs Aroudj, l'homme au bras d'argent et Barberousse Kheireddine, le lion des mers parus en 2003, comme à l'épopée des grandes résistances populaires du XIXe siècle, avec des œuvres sur l'Emir
Abdelkader et Cheikh Bouamama. L'histoire de l'Andalousie musulmane a également retenu son attention, avec Tariq Ibn Zyad, de même que la guerre d'indépendance qui a inspiré plusieurs de ses albums, dont le tout premier La montagne embrasée (1977). Cette année, quatre de ses albums sont sortis aux éditions Dalimen.
Les faucons du désert porte sur Belkheir, le barde des Ouled Sidi Cheikh, durant la grande révolte de cette tribu du Sud-Ouest menée par Cheikh Bouamama. Une épopée de résistance que Masmoudi restitue avec son dessin soigné, tout particulièrement pour les scènes de batailles équestres. On y retrouve les références du genre ainsi que le style des grands westerns classiques avec leurs paysages grandioses.
Les trois autres albums destinés à un public plus jeune s'inscrivent dans la série Gholam, l'enfant errant, personnage récurrent créé par Masmoudi dans la lignée fantastique des contes populaires. On retrouve ce héros dans Le démon de Cherchar, où il doit affronter cette créature maléfique pour, bien sûr, sauver une belle princesse prisonnière. On le retrouve également dans La Clé de Jabar et Les extra-terrestres.
Le dessin réaliste que l'auteur pratique pour ses œuvres historiques laisse place ici à un trait plus juvénile, adapté à son lectorat.
Venons-en maintenant à l'inénarrable Le 4e mandat expliqué à ma fille et accessoirement facebook expliqué à ma mère, album de notre confrère Le Hic, avatar artistique d'un certain Hichem Baba Ahmed. Sans complaisance aucune, il s'agit-là d'un petit chef-d'œuvre bien structuré et hilarant au possible. Son risible héros est dessinateur au journal El Ouatan, toute ressemblance avec un auteur et un journal réels étant bien sûr fortuite.
Le soir suivant la dernière élection présidentielle, alors qu'il regarde les informations, avachi dans un fauteuil, sa fille à ses côtés lui demande de lui expliquer le 4e mandat. Incapable de lui répondre, il lui dit d'aller jouer à la poupée. Sa fille lui fait remarquer qu'il s'est assis dessus. Après être sortie, la petite revient lui dire que sa grand-mère — donc la mère du héros risible — lui demande de venir lui expliquer ce qu'est facebook. A partir de là, l'adorable et envahissante chipie et la grand-mère mystérieuse (car on ne la voit jamais, sans doute impotente) vont littéralement harceler notre dessinateur. Celui-ci va s'ingénier à trouver des explications plausibles, se rendant compte que lui-même n'y comprend rien. Et l'on va se retrouver dans des situations cocasses, à l'école de la petite, dans les embouteillages ou au journal.
La critique désopilante ne touche pas que les politiques, Le Hic s'amuse à charrier ses collègues à travers le personnage d'un chroniqueur politique qui s'avère lui-même incapable de lui fournir des explications. Un passage d'ailleurs hautement comique et d'une grande subtilité.
Il n'est pas évident pour un dessinateur de presse de passer à la bande dessinée. Croquer au quotidien l'actualité ne dispose pas forcément à construire une histoire et tenir en haleine son lecteur. Le Hic réussit magistralement ce passage en se moquant de lui-même et en offrant aux lecteurs une bande dessinée moderne qui fait réfléchir, rire et rire encore.
Autre parution, IT mag, de Togui, pour sa part avatar d'un certain Samir Toudji. Ce trentenaire dessine depuis l'âge de 13 ans. Dans le texte de présentation, sa complice en BD, la talentueuse dessinatrice Nawel Louerrad, auteure de deux albums exceptionnels, raconte comment elle l'a rencontré sur les «bancs poussiéreux» de l'Ecole des beaux-arts et comment ils en ont été éjectés à quelques semaines d'intervalle.
Elle affirme notamment : «Il a ce regard amusé et cette dérision dont il ne s'exclut jamais, et ce n'est qu'ainsi que l'humour est possible.» En parcourant l'album, on se rend compte qu'elle n'a pas sucré son pair en art. Il y a dans ces histoires d'une page chacune une bonhomie rayonnante de couleurs et un univers où l'auteur se rit aussi de lui-même. Cette autodérision rend encore plus crédible son regard sur la société et, notamment, sur les nouvelles générations. Togui nous entraîne surtout sur le terrain des nouvelles technologies de communication et leur impact profond sur la vie des jeunes.
Nos sociologues et sociolinguistes devraient s'intéresser à cet auteur tant les situations qu'il décrit renvoient à nos réalités. Togui aurait pu trouver place ainsi dans le récent colloque sur la «Cyberlougha» organisé par l'université de Mostaganem (El Watan, A & L, 13/12/14). En attendant, ce sont les lecteurs qui en tireront profit, le sourire aux lèvres, en découvrant des personnages qui paraissent au premier abord enfantins mais qui, comme pour la fille de Le Hic, posent des questions anodines et naïves qui interpellent furieusement les adultes sur notre société.
Avec Welcome to Algeria, L'Andalou, avatar d'un anonyme volontaire, présente une compilation de ses comic-strips parus dans El Watan Week-end. Dans la préface, Chawki Amari, qui parle en connaissance de cause, ayant été lui-même caricaturiste, affirme : «D'abord, il est jeune et mignon, il rit et a une tête en couleur, comme les planches qu'il publie… Ensuite, il a du talent, plume légère au graphisme tout en douceur, farci d'idées un peu étranges.
Oui, même s'il n'avait pas de talent, ce serait difficile de le dire. Mais il en a, coiffant au peigne fin des personnages mi-réalistes, mi-comiques et mi-fantastiques (ça fait trois mi, ce n'est déjà pas normal), jouant l'équilibriste sur la limite entre le dessin de presse et la bande dessinée, l'illustration et la peinture, le dessin et la vidéo…» L'Andalou est bien campé là.
Ses études aux beaux-arts lui ont sans doute laissé un souci artistique qui se mêle à d'autres sources d'inspiration et font que ses dessins échappent à toute classification de style, se résumant parfois à des effets graphiques étonnants. Sur ce plan, il développe un fort potentiel qui, avec l'expérience, l'amènera sans doute à s'affranchir de son écartèlement entre caricature et bande dessinée.
C'est là toute la difficulté des strips, genre ardu par sa nécessaire concision, semblable en littérature à celui de la nouvelle par rapport au roman. Avec son humour caustique, parfois abrupt, L'Andalou s'intéresse à toutes les dimensions. Politique avec des chroniques déjantées sur les dirigeants et leaders, les questions électorales, la corruption… Internationale en allant sur le terrain de la géostratégie : l'Europe, les USA, les relations algéro-marocaines, le groupe Beaucoup Haram…
Social avec les harraga ou la question du logement, comme ce candidat à l'AADL qui finit dans sa «dernière demeure» avec une gerbe de fleurs de cet organisme de logement… Tous les phénomènes l'intéressent, depuis les supporters de l'EN de football au Brésil jusqu'aux embouteillages ou la violence contre les femmes. Pour peu qu'il en trouve le temps (et le scénario), L'Andalou a les moyens artistiques d'aller vers la création d'un album où son talent serait peut-être moins contraint par les nécessités de l'actualité et la densité des strips.
Gyps, qui est l'avatar connu de l'inconnu Karim Mahfouf, s'est rappelé à ses lecteurs et lectrices avec l'album Alger Reine, panorama désopilant de la situation des femmes en Algérie. Avec l'humour qu'il porte en lui comme une seconde nature et qu'il a développé ces dernières années dans des one-man-shows produits en France (où il vit depuis les années 1990), Gyps a amélioré nettement son graphisme. On sent bien l'aisance qu'il a gagnée sur ce plan avec un style qui n'est pas sans rappeler celui du dessinateur Wolinsky. L'album se présente comme une série de situations liées entre elles par un fil conducteur : l'histoire de la condition des femmes dans notre société et son état actuel.
On peut lire de manière autonome chacune des vignettes (même si elles ne sont pas délimitées graphiquement) mais, par moments, elles s'enchaînent, notamment quand elles s'inscrivent dans des chronologies, comme pour la succession des Présidents depuis l'indépendance et leurs positions respectives à l'égard de la condition féminine ou encore celle-ci à travers les périodes historiques de l'Algérie. Les personnages sont imaginés, renvoyant à des instants sociologiques.
Parfois aussi ils sont réels, comme l'ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, croquée dans sa période de militante féministe. L'album est un plaidoyer hilarant pour les droits des femmes, même si Gyps, n'épargnant personne, montre avec bonhomie leurs propres contradictions et la reproduction par certaines de préjugés et de comportements favorables à leur propre infériorité sociale.
On y rit beaucoup, on y réfléchit. A travers des commentaires en bas de dessins, l'auteur explore les limites de ses audaces, inventoriant ce qu'il est permis de dire ou de montrer, particulièrement quand il floute volontairement des images qui pourraient être considérées comme indécentes ou qu'il s'adresse à d'éventuels censeurs. Ce jeu de complicité avec le lecteur et la lectrice apporte un surcroît de sens et de rigolade à cet album.
On aura relevé également cette année l'album Abdelkader, de Defali, grand dessinateur de BD vivant en France et produisant dans le monde entier, sur un scénario de Azouz Begag. L'œuvre a étonné plus d'un dans la mesure où l'histoire de ce grand personnage historique était rendue dans un style proche du fantastique, avec une pointe d'esprit manga. Mais les jeunes lectorats ont apparemment adoré cette vision et ils étaient visiblement la cible des auteurs.
La BD est en mesure de rendre d'immenses services à la diffusion de l'histoire, mais cela ne peut se faire que dans l'observance des critères d'expression de cet art. Comme au cinéma, il faut nous débarrasser de cette obsession du réalisme documentaire, incompatible avec la fiction, et méditer l'exemple de la BD Astérix qui, selon des études très sérieuses, a contribué plus que les manuels scolaires à la connaissance par les jeunes Français de leur histoire ancienne. Au point que la bande dessinée est aujourd'hui utilisée par les manuels scolaires.
L'actualité éditoriale du 9e art a été aussi fortement animée par ce qu'on nomme aujourd'hui le DZ-manga porté par des éditions dynamiques, à l'instar de Z-Link, Kaza Editions… Plusieurs éditeurs généralistes commencent à s'intéresser à ce phénomène et envisagent de l'intégrer dans leurs catalogues, de même que la BD dite classique (ou plutôt non-manga).
Un des premiers à avoir franchi le pas est Lazhari Labter, lui-même auteur d'un panorama de la BD algérienne, qui a publié en 2008 Le dingue au bistouri, de Mohamed Bouslah, adaptation du roman éponyme de Yasmina Khadra. Comme le cinéma, le 9e art algérien n'a pas assez exploré cette voie que la littérature algérienne classique ou contemporaine offre pourtant avec un fort potentiel. Hélas, Mohamed Bouslah, qui s'y était engagé, nous a quittés cette année, laissant une autre adaptation, Terres interdites (Ed. Sédia, 2013), inspirée d'une nouvelle de l'écrivain Mohammed Dib.
La production de BD a augmenté, ce qui ne peut que réjouir, mais elle reste bien faible. Il ne s'agit encore que d'un frémissement encourageant. Nous sommes loin des attentes d'un immense lectorat potentiel (juvénile surtout, mais adulte aussi) comme des possibilités créatives d'auteurs de plusieurs générations qui piaffent d'impatience devant les lenteurs d'un système qui porte les stigmates de l'ensemble du secteur du livre.


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