Le gouvernement est-il en train d'encourager la pollution due à l'automobile, ou laisse-t-il faire au profit de desseins inavoués ? C'est à toutes ces interrogations que nous avons tenté de comprendre les raisons qui se cachent derrière la non-promulgation de lois obligeant les concessionnaires automobiles (aussi bien pour le véhicule léger que le lourd) à importer des véhicules dotés de motorisation en Euro 5 ou en Euro 6 et répondant, de ce fait, aux normes antipollution les plus strictes. C'est le cas, pour l'exemple, de nos pays voisins, à savoir la Tunisie et le Maroc. «Nous sommes l'un des derniers pays en Afrique qui utilise encore le moteur aux normes Euro 3, alors que nous sommes le deuxième plus grand marché de l'automobile sur ce continent après l'Afrique du Sud», nous dira un connaisseur du marché de l'automobile algérien. Pour certains concessionnaires automobiles, il est tout à fait plausible voire même souhaitable d'importer des véhicules répondant aux normes Euro 5 et 6, d'autant plus que le nouveau cahier des charges réglementant cette profession exige quatre airbags, l'Abs et l'ESC pour les véhicules légers. Mais qu'est-ce qui empêche donc les concessionnaires automobiles algériens d'opter pour cette solution et d'importer des véhicules moins polluants et dotés de moteur à technologies avancées ? Nous avons, en Algérie, le carburant diesel parmi les plus pollués en Afrique. 70% du gasoil que nous commercialisons sont importés via les marchés internationaux. Les raffineries que nous possédons n'arrivent à produire que 30% de la consommation nationale», nous dira un concessionnaire automobile. Et d'ajouter : «Le comble est que ce gasoil que nous importons à coups de devises est considéré comme très polluant du fait de la teneur très forte en soufre. Jusqu'à 800 ppm (une partie par million).» D'ailleurs, dira-il, des experts d'un grand constructeur automobile européen ont séjourné en Algérie pendant plusieurs semaines. Les tests d'évaluation de la qualité du carburant lors de leur séjour à travers plusieurs wilayas du pays ont été très négatifs. «Les experts ont conclu que le taux en soufre pour le diesel se situe entre 500 et 800 ppm, ce qui est extrêmement polluant, alors que les normes exigées en Europe, au Japon, aux USA et dans plusieurs autres pays à travers le monde est de 15 ppm pour l'Euro 6.» Ces experts ont, par la suite, opposé au concessionnaire un niet catégorique pour importer certains modèles de véhicules dotés de la dernière génération en termes de motorisation. «Les constructeurs automobiles sont dans l'obligation de se conformer aux nouvelles directives européennes en termes de protection de l'environnement des normes antipollution. C'est pour ces raisons que les motorisations qu'ils sont en train de développer ne pourront, dans ces cas précis, faire leur entrée en Algérie», ajoutera ce concessionnaire. Et à notre interlocuteur de poursuivre : «J'ai reçu un niet catégorique de la part du constructeur et je me retrouve privé de plusieurs modèles très développés et extrêmement propres pour mes clients. Alors que de l'autre côté, on encourage l'importation de véhicules polluants sans aucune norme», s'indigne-t-il Des marques pourront disparaître L'introduction de nouvelles lois obligeant les concessionnaires automobiles à importer des véhicules équipés de moteurs répondant aux normes Euro 5 ou Euro 6 obligera bon nombre de concessionnaires automobiles à mettre la clef sous le paillasson. L'actuel décret exécutif réglementant cette profession ne mentionne nullement les normes antipollution. L'article 23 de cette nouvelle loi stipule que «les véhicules neufs importés doivent répondre aux normes liées à la protection de l'environnement, notamment en matière d'émissions de fumée, de gaz toxiques et de bruit, prévues par la législation et la réglementation en vigueur». Mais de quelle législation et de réglementation s'agit-il lorsque, en Europe, les gouvernements sont en train de durcir davantage les législations pour aboutir, à ce début d'année 2015, aux normes Euro 6 ? «Il faudrait durcir aussi les législations chez nous pour arriver à une protection de l'environnement et à un assainissement du marché de l'automobile en Algérie. Cela ne peut plus durer. Il faut mettre un terme à cette anarchie», nous dira un concessionnaire automobile. L'adoption par notre pays des nouvelles normes antipollution répondant aux normes européennes reviendrait à nettoyer le marché des «parasites» et des pseudo-importateurs. «Le véhicule, suite à l'application de ces nouvelles normes, coûtera plus cher à l'importateur, donc moins de bénéfices et de profits pour ce commerçant. Les marques et les modèles qui sont méconnus sur notre marché disparaîtront du moment que le client, à un certain niveau de prix, optera automatiquement pour des modèles connus pour leur fiabilité et leur solidité.» L'Algérie… le dernier en Afrique L'Algérie demeure le seul pays africain qui utilise encore l'essence avec plomb, selon un rapport du programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP) publié en avril 2014. Selon ce même organisme, la teneur en soufre dans le gasoil algérien pour le mois d'octobre 2014 se situe entre 500 et 2000 ppm, très loin derrière le Maroc et la Tunisie (15 à 50), alors que la teneur en soufre dans le gasoil pour plusieurs pays de l'ouest et le sud-ouest africain se situe entre 50 et 500 ppm. Le carton rouge, selon ce rapport, reviendrait à l'Egypte, la Somalie et le Congo, avec plus de… 5000 ppm. En Algérie, selon une présentation sous le thème du «Programme de réhabilitation des raffineries pour la production des carburants propres en Algérie» et qui date de 2001, il était question de la réhabilitation des principales raffineries à travers le territoire national, principalement celles de Skikda, Arzew, Sidi R'zine, Hassi Messaoud et In Amenas. Jusqu'à cette fin d'année 2014, la réhabilitation des principales raffineries n'a pas été achevée et celles qui devaient nous produire de l'essence sans plomb et du carburant diesel propre ne sont pas encore entrées en production. Cela dénote du «sérieux» des responsables du secteur des hydrocarbures quand il s'agit d'économiser des devises et de favoriser la production nationale à l'importation.