In Salah ne décolère pas. Bien au contraire, l'indifférence des autorités locales – qui ont répondu par des renforts de gendarmes à la manifestation pacifique qui s'est vite mue en blocage de la transsaharienne depuis 3 jours – n'a fait que renforcer la détermination et la mobilisation citoyennes. Il s'agit d'un fait inédit à plus d'un titre dans une région où l'allégeance au pouvoir central n'est pas à prouver, une région qui a attendu patiemment et en silence un vrai programme de développement, surtout après les dernières découvertes gazières qui étaient censées rehausser tout le Tidikelt vers le statut de zone énergétique pourvoyeuse de richesse et dont les retombées devaient bénéficier en premier à ses habitants. Or, l'attente n'a pas donné grand-chose, estiment les habitants. Pis encore, après le gaz conventionnel, l'exploration puis l'entrée en exploitation du premier puits de gaz de schiste, quasiment en catimini, en présence du ministre de l'Energie et d'un gradé de l'armée ont accentué le sentiment de mépris et la colère nourrie par des manques à tous les niveaux et l'absence d'une communication institutionnelle envers les populations concernées par ces nouveaux projets. Des projets qui apportent leur lot d'appréhensions et de peur sur l'avenir de la région, son environnement, une eau de qualité contestée mais dont les seuls dangers se résument à l'hypertension et à la fluorose dentaire et osseuse. Rien, en somme par rapport aux effets toxiques des produits chimiques injectés depuis juin dernier dans les nappes phréatiques du Sahara. Mobilisation Le collectif d'associations et des citoyens anti-gaz de schiste à In Salah a appelé hier à une grande manifestation, qui se tiendra aujourd'hui devant la daïra d'In Salah. Toutes les franges de la société ont été conviées à ce nouveau rassemblement qui survient au lendemain de l'arrestation de quatre jeunes manifestants de la localité de Sahla, appréhendés par les gendarmes d'In Salah alors qu'ils bloquaient l'accès au site du premier puits de gaz de schiste de la région d'Ahnet, située à quelque 35 km de la ville d'In Salah. Les manifestants ont été violemment réprimés et conduits en ville, l'un d'eux a été gravement blessé après une chute sur un pneu qui brûlait, ce qui lui a causé de graves brûlures, d'où son évacuation en urgence à l'hôpital d'In Salah. La déviation empruntée par les camionneurs, qui voulaient éviter le blocus de la zone pétrolière sur la transsaharienne sur l'axe reliant In Salah à Tamanrasset a en outre été rouverte à la circulation, quand les éléments de la Gendarmerie nationale, qui observaient jusque-là en retrait les manifestants ayant opté pour la radicalisation du mouvement en bloquant les issues, ont décidé d'intervenir au lever du jour. Plusieurs comités de sages, de notables et d'imams pourtant très écoutés dans la région se sont succédé au carrefour des deux Sahla, pour faire fléchir les contestataires et les appeler à rentrer dans le rang de la majorité des habitants d'In Salah qui préfèrent l'action pacifique et tiennent à manifester et exprimer leurs doléances aux autorités locales. Après le grand rassemblement du 1er janvier auquel ont pris part quelque 1500 personnes, selon des témoignages concordants de la ville d'In Salah, la lecture de la plateforme de revendications remise au chef de daïra chargé de la transmettre à la présidence de la République, les manifestants estiment que les pouvoirs publics ont eu le temps de préparer une réponse convaincante à une population qui demande un moratoire concernant l'exploitation du gaz de schiste dans le Sahara et l'organisation de manifestations scientifiques publiques et un débat ouvert à l'opinion nationale concernant l'exploitation des énergies non conventionnelles en Algérie. Pour l'heure, une grande campagne de sensibilisation est actuellement menée, des équipes font du porte-à-porte pour distribuer des tracts et des affichettes appelant à une mobilisation citoyenne très forte aujourd'hui. Sitôt relâchés, les 4 manifestants arrêtés hier matin ont repris leurs positions au niveau du blocus de Sahla, arguant que «les autorités ont été destinataires d'une lettre officielle à laquelle aucune réponse n'a été donnée au moment où la rue bouillonnait à In Salah». A In Salah-centre, le comité de pilotage de l'action citoyenne anti-gaz de schiste tenait une réunion pour décider de la suite des événements et coordonner les actions. Pendant ce temps, des renforts de la Gendarmerie nationale ont pris le départ de Ouargla pour In Salah pour contenir de nouvelles manifestations.