- Six jours après le lancement de votre campagne anti-gaz de schiste à In Salah, comment évaluez-vous la situation ? Toute la population, sans exception, est mobilisée depuis presque une semaine contre l'exploitation du gaz de schiste. Les commerces sont fermés, pas de cours dispensés dans les établissements scolaires et les fonctionnaires sont tous au rassemblement citoyen. C'est une prise de conscience qui nous honore et nous sommes fiers d'y avoir contribué. - Comment s'est passée la rencontre avec le wali de Tamanrasset ? Est-il vrai qu'il a refusé de suspendre les forages ? Mahmoud Djemaa pensait que sa seule venue allait absorber notre colère. Quand on a exigé sa présence dimanche, lors du premier jour de manifestation devant la daïra, c'est pour qu'il vienne constater de ses propres yeux que tout In Salah était dehors. On voulait un acte symbolique de l'Etat, à travers le premier responsable de la wilaya et qu'il ordonne la fermeture des puits. Ce qu'il a refusé devant 40 délégués de la population. Bien au contraire, après avoir engagé sa responsabilité morale en rassurant les gens sur l'innocuité de l'exploitation du gaz de schiste, il a encore demandé un long exposé à un géologue de Sonatrach. Mais nos propres ingénieurs ont su apporter la contradiction à travers des arguments scientifiques et tenir ainsi tête aux représentants de l'association Sonatrach Schlumberger. - Que demandez-vous au juste aux pouvoirs publics, un moratoire ou une annulation définitive ? Notre demande est simple et précise. Nous voulons que Sonatrach arrête définitivement les forages schisteux dans la région et nettoie le site. La population d'In Salah demande au président de la République d'arrêter le forage et d'abandonner le puits sans fracture hydraulique. Le wali a promis de transmettre ce message à la Présidence. En attendant, et après avoir annoncé la venue de ministres, un débat d'experts est prévu demain avec la société civile. La venue de ces experts est un non-événement, notre désir est clair, pas de gaz de schiste à In Salah ni ailleurs. - A votre avis, comment expliquez-vous cet engouement populaire ? Les citoyens sont-ils prêts à affronter un éventuel refus des autorités ? A In Salah, personne n'accepte le gaz de schiste. Je dirais même plus. En Algérie, personne n'aime ce gaz, sauf ceux qui veulent l'argent au détriment du reste. Deux choses expliquent cette position ferme des habitant d'In Salah. C'est d'avoir premièrement ressenti le danger et deuxièmement un sentiment de hogra de la part de nos gouvernants. Leur action est spontanée dans le sens où ils sont préparés psychologiquement à refuser tout nouveau danger après le scandale d'In Salah Gaz. - Comment comptez-vous mettre à profit cet élan de solidarité venu de tous les coins du pays envers cette cause fédératrice ? Au niveau local, c'est une renaissance, un espoir, c'est un mouvement citoyen responsable et déterminé. Nous espérons que tout sera fait comme convenu avec les autorités, car nous avons le sentiment que le pouvoir use de mots, de spéculation et de subterfuges, tout reste probable. Nous sommes donc très vigilants et nous devons en revenir à la population pour toute décision. Au niveau national, il n'y aura plus de schiste, c'est sûr. Sonatrach n'osera plus expérimenter le schiste en Algérie. Nous espérons que notre pays révisera sa politique de recours exclusif aux hydrocarbures. Nous sommes convaincus que c'est le point départ pour un avenir de l'Algérie hors hydrocarbures, des énergies propres, une économie solidaire, un développement durable et une diversification de notre économie. Les zones sahariennes et arides comme les trois quarts de notre pays doivent s'approprier un savoir-faire pour bâtir un avenir durable et sûr, parce que certaines ressources sont très limitées et d'autres abondantes. Donc encore une fois trouver l'équilibre, l'équité.