Le Liban sort dévasté de l'offensive israélienne. C'est un champ de ruines que la communauté internationale va devoir maintenant aider à restaurer. Mais l'ampleur des destructions imposera aux pays donateurs un effort financier exceptionnel. Israël, qui a agressé le Liban et saccagé ses infrastructures, ne sera pas de ceux-là. C'est l'un des paradoxes majeurs de la dynamique des relations internationales que de voir absoudre un Etat qui ravage en toute impunité un pays qui, comme le Liban, amorçait à peine son redressement. Un pays dont le réseau routier, les sites industriels, les complexes énergétiques, les centres de communication, les capacités en hôpitaux, se sont presque intégralement effondrés sous l'effet de 33 jours de bombardements intensifs. Le bilan est difficile à établir car le volume des pertes est hors de proportions. Le Liban seul pourra d'autant moins y faire face que son économie a été paralysée par l'agression israélienne. Cela lui coûte des milliards de dollars en manque à gagner. C'est presque forcément la communauté internationale qui va prendre le relais et mettre en œuvre une stratégie qui pourra aider le Liban à se rétablir le plus vite possible. Il faudra aussi compter avec la générosité des peuples et l'immense travail de proximité que peuvent accomplir des organisations non gouvernementales pour réunir et acheminer les dons citoyens dans le monde. Une conférence internationale est déjà prévue fin août, en Suède, pour examiner les possibilités d'aider le Liban. L'urgence est, en effet, aujourd'hui, celle de prévenir un véritable désastre humanitaire. Le Liban, fortement éprouvé par l'agression israélienne, a besoin de tout. Mais les aides qui lui sont nécessaires n'auront d'utilité que si ce pays n'encourt plus le risque d'être aussi implacablement attaqué qu'il l'a été pendant 33 jours. Israël ne peut pas être absous des dommages phénoménaux qu'il a engendrés et être regardé comme responsable mais non coupable. Une logique minimale de justice internationale commande que cet Etat délibérément agresseur soit condamné à payer les réparations des pertes qu'il a fait subir au Liban. Cela couvre aussi les centaines de victimes innocentes qui ont péri sous les bombes israéliennes. Qui garantit qu'Israël ne voudra pas, à l'avenir, rééditer son agression contre un Liban reconstruit en invoquant un bien discutable droit à l'autodéfense ? C'est une hypothèse qui ne peut pas être écartée car l'Etat hébreu fonde sa survie dans la région sur des rapports guerriers avec les pays voisins. Comment expliquer autrement qu'Israël saborde systématiquement toute idée de processus de paix au Proche-Orient. Cela dure depuis près de soixante ans et les agressions simultanées contre les Palestiniens et les Libanais ne sont pas les indices annonciateurs d'une déchirante révision. Depuis des lustres, Israël entretient, avec l'appui d'un lobby très actif en Europe et aux Etats-Unis, l'image d'un Etat turbulent, voire prédateur, qui s'arroge le droit à la violence comme une légitime compensation de l'holocauste. En quoi les peuples de la région sont-ils fautifs ? Si le foyer national d'accueil d'Israël avait été choisi ailleurs dans le monde qu'en Palestine, l'Etat hébreu aurait-il cherché à maintenir cet état de guerre avec tout autre voisin potentiel ? C'est cet état de guerre permanente qui rend aléatoire un principe de coexistence pacifique au Proche-Orient en dépit des espoirs de la communauté internationale et de l'évolution du monde arabe sur la question. Malgré, aussi, l'émergence en Israël même d'un courant favorable à la paix. Ce n'est pas cette perspective qui intéresse l'aile militariste qui pèse sur les choix de l'Etat hébreu depuis sa création. L'ambition de cette caste dirigeante est celle de transformer la Palestine, le Liban, et si cela était possible la Syrie, en bantoustans sur lesquels elle aurait droit de vie et de mort. Les Palestiniens en savent déjà quelque chose, eux qui ont vu s'édifier autour d'eux le mur de la honte. Les Israéliens voudraient-ils aussi enfermer les Libanais et, s'ils le peuvent un jour, les Syriens ? L'on aurait alors des peuples parqués, soumis, dépendant d'un retour insensé à une ère qui amalgamerait le ghetto et le camp de concentration. Les Territoires palestiniens présentent les caractéristiques de cette effarante résurgence.