Le cinéma algérien tente péniblement de s'intéresser à l'histoire de la lutte d'indépendance de l'Algérie, 53 ans après les Accords d'Evian. Les films, qui sont produits par le ministère des Moudjahidine, se taisent sur beaucoup de faits, ignorent des actes importants, mettent en valeur des acteurs au détriment d'autres. Le ministère des Moudjahidine, qui a la haute main sur les scenarii des longs métrages liés à la guerre de Libération nationale, contrôle de bout de bout tous les films qu'il finance et ne laisse qu'une petite marge de manœuvre aux cinéastes. La censure est convoquée à chaque fois qu'un metteur en scène ose aller plus loin, même en s'appuyant sur la technique de la fiction. Rien ne passe. L'histoire officielle a ses templiers et ses vigiles. Mais le cinéma n'écrit pas l'histoire. On ne peut pas lui demander de tout faire, tout dévoiler. C'est pour cette raison qu'il n'y aura pas de films consacrés à la vie et à l'œuvre de Abane Ramdane, de l'Emir Abdelkader, de Houari Boumediène, de Messali Hadj ou au massacre de Melouza. Tant que «la génération» de la guerre de la Libération sera là, le septième art ne pourra pas plonger dans les terres boueuses du mensonge historique. A moins que des cinéastes algériens prennent leur courage à deux mains, foncent dans le tas et fassent bouger les lignes. Une telle entreprise exige des bailleurs de fonds suffisamment audacieux pour se lancer dans l'aventure. Pour l'instant, tout le monde s'installe dans «l'historiquement correct». Les historiens algériens désertent le terrain, gardent un silence coupable, savourent le confort de l'histoire lisse. L'université algérienne a, elle, failli dans sa mission de recherche. Tout se fait dans l'opacité. Rien n'est publié ou soumis au débat. L'université est, pour des considérations politiques, isolée de la société. Et la société n'exerce aucune pression pour «désacraliser» l'histoire de la guerre de Libération nationale. Les médias, surtout les nouvelles chaînes privées de télévision, ne fournissent presque aucun effort pour briser les tabous.Les télés donnent la parole aux mêmes acteurs, reprennent le même discours de propagande sur la «glorieuse» Révolution de l'ex-RTA et ne s'engagent dans aucune investigation pour dévoiler des vérités encore cachées du Mouvement national. La chape de plomb «posée» sur le dossier des faux moudjahidine est la preuve éclatante de la prise en otage de l'histoire contemporaine de l'Algérie. L'école est soumise au même système de caporalisation. Les enfants algériens sont privés de plusieurs vérités sur l'histoire de leur pays. Le sentiment patriotique et l'attachement à la terre peuvent-ils être construits sur du mensonge ? L'écriture libre de l'histoire de la guerre de Libération nationale n'a donc pas été faite, 60 ans après le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre. Faudra-t-il attendre encore un siècle ?