Sur fond de déficit de la balance des paiements, les pouvoirs publics entendent mettre de l'ordre dans les services liés à l'affrètement des navires de transport maritime, les escales ainsi que les surestaries. Un décret exécutif portant les modalités d'ouverture et de fonctionnement des comptes d'escale ainsi que celles d'affrètement de navires étrangers datant du 15 décembre dernier vient d'être publié pour mettre fin à l'anarchie qui règne en maître dans ce secteur pourtant très sensible. S'il est admis que les problèmes liés à la logistique et les lourdeurs bureaucratiques contribuent souvent à la rade des navires et de fait à la hausse des surestaries et des paiements y afférent, augmentant les pressions sur la balance des services, l'affrètement des navires, leur manutention et la gestion des conteneurs à port d'escale semblent entachés de nombreuses irrégularités pouvant mener à des infractions à la législation des changes et de fait à des transferts de devise illégaux. Mis au pied du mur, en raison d'un déficit de la balance des paiements qui risque de se creuser dans un contexte de dépression des marchés pétroliers, les pouvoirs publics sont tenus aujourd'hui de sévir et de mener des réformes afin de freiner la saignée. Ainsi, et après avoir réduit le plafond des engagements extérieurs des banques, et lancé la traque aux fausses déclarations en douane et aux surfacturations, le gouvernement s'attaque aux irrégularités dans le secteur portuaire et dans le transport maritime de marchandises. Les comptes d'escales qu'ils soient conjoncturels, courants ou complémentaires — lesquels sont concrètement des livres de comptes tenus par le consignataire du navire — sont les principaux outils de suivis des transactions financières lors du fret et de l'escale des navires. Ils retracent ainsi les provisions des armateurs ainsi que leurs recettes en termes de fret des marchandises exportées à l'envoi, et celles importées à la réception, la gestion des conteneurs, les surestaries ou frais d'immobilisation, ainsi que les billets des passagers et bagages. Ils retracent également, au titre des dépenses, les frais de manutention ainsi que les divers frais du navire à escale. Cependant, en raison de l'inadaptation de la législation, une incompréhension des dispositions a bien souvent conduit à des conflits entre les armateurs étrangers et les autorités monétaires notamment la Banque d'Algérie. L'expert et ex-cadre du ministère du Commerce, Mouloud Heddir, rappelle le conflit ayant éclaté il y a près de 3 années entres opérateurs algériens et armateurs étrangers, lorsque ces derniers ont tenté de supprimer les transactions en FOB. Rapatriement de devises Un conflit ayant trouvé son origine dans les problèmes liés aux transferts devant bénéficier à certains armateurs à leur tête CMA-CGM. Difficultés qui seront désormais aplanies grâce à ce règlement. Cependant, et si le nouveau texte, précise encore M. Heddir, lève les obstacles en la matière, il assoit un cadre très précis qui permet de retracer toutes les transactions et de séparer le bon grain de l'ivraie dans un segment miné par l'anarchie et malheureusement la corruption. Il estime que s'il faut payer un dû aux armateurs, il ne faut pas payer non plus n'importe quoi. En effet, dans une contribution à El Watan, Idir Ksouri, fonctionnaire des Douanes à la retraite, expliquait, il y a quelques années, que les infractions à la réglementation en la matière pouvaient prendre plusieurs formes notamment le non-rapatriement des montants de fret dans le cas d'une vente FOB à l'export, l'inexistence des documents comptables, ainsi que les omissions et «erreurs» dans les comptes d'escales affectant parfois des recettes au titre des dépenses en vue d'augmenter les soldes transférables à l'étranger. Le nouveau texte, qui vient en application de la loi de finances 2013, ainsi que des dispositions relatives à la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent, fixe des délais et des obligations devant garantir le rapatriement des montants de fret à l'export et des soldes débiteurs des comptes d'escales, lequel devra intervenir dans les 90 jours. Il fixe aussi les modalités précises de transfert de gestion des conteneurs afin de mieux maîtriser les frais d'immobilisation et les surestaries transférables à l'étranger. Le décret renforce aussi les procédures de contrôle par les administrations du commerce et Douanes, de même qu'il instaure un comité technique au niveau de chaque port, présidé par les services chargés des finances, chargé de suivi des opérations de contrôle. Melissa Roumadi