Le 27 janvier 1957, le fidaï Mohamed Saidani s'était porté volontaire pour accomplir la mission d'abattre, dans son bureau, l'administrateur local de la ville d'El Milia, Germain Faure. A l'heure de l'opération, l'homme, déguisé en un humble indigène, s'était présenté sous une fausse identité au bureau de ce responsable colonial. Ce dernier venait d'être tué de plusieurs balles. L'acte héroïque avait été accompli avec une telle audace qu'il avait fait la une de La Dépêche de Constantine de l'époque. Maurice Papon, alors préfet du département de Constantine s'était déplacé jusqu'à El Milia pour s'enquérir de la situation au siège de la sous préfecture de la ville. Après son acte, Mohamed Saidani, poursuivi par les forces de l'ordre tombera en martyr non loin du lieu de l'opération. «Il avait déjoué tous les plans de l'ennemi en sautant toutes les barricades et en traversant, en courant, le square se trouvant en contre bas de la sous-préfecture, avant d'être atteint par une balle tirée par un soldat de l'armée coloniale», raconte un septuagénaire, témoin des événements de cette époque. Né en 1932, à Douar Ouled Salah, à El Milia, orphelin de père et de mère dés l'âge de cinq et sept ans, Mohamed Saidani était déjà rebelle dés son jeune âge sur l'autorité coloniale, en refusant, notamment, d'accomplir son service militaire. Son activisme l'a mené à entrer en contact avec les responsables de la révolution en 1955, après un séjour en France. Son nom est aujourd'hui inscrit sur une stèle au square de la ville d'El Milia pour perpétuer l'héroïsme de sa mémoire. Par son acte le martyr venait, cependant, de débarrasser la population locale d'un tyran qui n'avait pour seul souci que de rétablir l'ordre colonial, dans une région qui échappait quasiment au contrôle des militaires. Et pour cause, la ville d'El Milia et toute sa région, fief de prédilections de combattants de l'ALN, avait était décrétée « royaume du FLN» par le général Challe. En 1959, ce nouveau commandant en chef en Algérie, confia au colonel Trinquier, un tristement célèbre officier de l'armée coloniale à El Milia : «Je vais vous donner un secteur difficile de l'Algérie : El Milia. Le colonel Marey qui le commandait, vient de se faire assassiner à 100 mètres de la ville. C'est le deuxième colonel qui se fait tuer dans ce secteur. Deux sous-préfets ont été assassinés dans leurs bureaux. El Milia, c'est le royaume du FLN. C'est là que je veux terminer la guerre. Quand le secteur sera pacifié, la guerre sera terminée». Cet aveu n'avait guère changé le contexte de la déroute coloniale dans cette région qui ne sera jamais pacifiée.