Repère d'histoire et patrimoine naturel par excellence, le square de la ville d'El Milia, jadis splendide havre de verdure, n'a plus la même grandeur qu'avant. Rouvert il y a quelques années après une fermeture qui aura duré presque une longue décennie pour des rasions évidentes, son espace est curieusement boudé. Peu fréquenté, le mythique square n'est plus qu'un coin marginal. Ses meilleures plantes, certaines espèces de ses arbres uniques et ses roses ont disparu. Implanté en plein cœur de la ville, il garde, néanmoins, cette vocation d'un des meilleurs endroits de tranquillité que l'on ne trouve nulle part ailleurs à El Milia. «Il y avait jadis une bibliothèque où les gens venaient prendre les livres et aller s'isoler, sous l'ombre d'un arbre, pour lire», se remémore un vieil habitué des lieux. Ce septuagénaire, qui garde bien en mémoire des péripéties de cette ville, confesse avoir connu ce square en 1946. «Je me souviens des poissons qui nageaient dans son bassin ; il y avait aussi un jet d'eau et beaucoup de fontaines, l'eau coulait partout», se rappelle cet homme féru des faits marquants de sa ville. L'histoire de ce square est aussi liée à un haut fait d'armes, œuvre d'un valeureux chahid de la guerre de libération. Mohamed Saïdani, fidai de l'ALN, dont le nom est aujourd'hui inscrit sur une stèle dans ce square, est mort en martyr à quelques encablures de ce mythique jardin. «Il avait déjoué tous les plans de l'ennemi en sautant toutes les barricades et en traversant, en courant, ce square avant d'être atteint par une balle tirée par un soldat de l'armée coloniale», raconte notre septuagénaire. Le valeureux martyr s'était porté volontaire pour abattre, dans son bureau, l'administrateur de la ville d'El Milia, Germain Faure. Son acte, accompli avec bravoure et héroïsme un certain 26 janvier 1957, est resté dans la mémoire de ce square. Ce moment de gloire est désormais une séquence indélébile dans l'histoire, empreinte de sacrifices et de patriotisme de cette ville. Cet espace naturel recèle aussi d'autres pièces retraçant le parcours historique de la région. Deux canons remontant à l'ère ottomane étaient là. L'un, rouillé et sans le moindre entretien, est toujours sur les lieux, alors que l'autre a pris une destination inconnue. Dénaturé et mal entretenu, le square manque d'eau et de nettoyage. Une végétation touffue a envahi certaines de ses parties, pendant qu'un tas de détritus jonche le sol. Les efforts d'un horticulteur affecté pour prendre soin de son entretien n'ont pas trop changé à son destin. Une opération de réfection de son espace interne n'a pas, non plus, permis de lui rendre sa splendeur d'antan. Certains ont même critiqué les réfections intervenues. «Comment se fait-il qu'on revête de carrelage son sol ? C'est aberrant, on aurait pu prendre soin du jardin pour le garder intact au lieu de dénaturer son espace», déplore un résidant dans le voisinage de ce square. Au tout début du siècle passé, le centre de la ville d'El Milia s'était vu gratifier de cet espace d'une beauté captivante. Des photos datant de l'année 1910 montrent que l'endroit fut, à cette époque-là, déjà aménagé en jardin.