Plus d'un mois et demi après l'émission d'une fatwa meurtrière à l'encontre de l'écrivain et chroniqueur Kamel Daoud, son auteur, l'imam salafiste Abdelfatah Hamadache — chef du parti (non autorisé) Front de la Sahwa islamique salafiste algérienne — n'est toujours pas inquiété par la justice. Pourtant, Kamel Daoud s'est attelé, au lendemain de cet appel au meurtre, à déposer une plainte contre l'auteur de la sinistre fatwa. Le salafiste avait émis sur sa page facebook une «fatwa» appelant l'Etat algérien à exécuter l'écrivain en raison de sa «guerre ouverte» contre l'islam, le Coran et les valeurs sacrées de l'islam. Joint hier par téléphone, le chroniqueur vedette du Quotidien d'Oran, de surcroît auteur à succès, s'est dit étonné que sa plainte soit restée jusque-là sans suite. «Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a rien ! Le bonhomme est toujours en liberté», nous a répondu Kamel Daoud en faisant allusion à l'imam salafiste. Le 16 décembre dernier, Abdelfatah Hamadache avait émis une fatwa via sa page facebook à l'adresse de Kamel Daoud, où il appelait l'Etat algérien à le tuer publiquement. Cet appel au meurtre, car c'en est un, n'a pas manqué de soulever l'indignation générale notamment sur les réseaux sociaux. Des rassemblements ont été organisés, à Oran et à Béjaïa, avec pour mot d'ordre «ni Daech ni Hamadache». Pour leur part, de nombreux hommes politiques ont apporté leur soutien sans faille à l'auteur de Meursault, contre-enquête, et ont condamné cet appel au meurtre. Le ministre des Affaires religieuses, connu pour sa pondération, a lui aussi condamné la fatwa de Hamadache, la qualifiant de «dérapage dangereux», mais a dans le même temps appelé Kamel Daoud «à ne pas toucher au sacré». Pour sa part, Abdelfatah Hamadache a bénéficié, ces dernières semaines, de passages récurrents sur des chaînes satellitaires privées, où il a persisté à déverser des propos haineux et meurtriers non seulement contre Kamel Daoud, mais contre toutes celles et ceux dont les idées politiques sont aux antipodes des siennes. Le fait qu'un extrémiste puisse s'exprimer librement et tenir des propos aussi radicaux, qui plus est sur des chaînes de télévision, sans que la justice s'autosaisisse, fait craindre le pire aux démocrates algériens. Beaucoup, en effet, ont le sentiment de revivre le même scénario que celui de la fin des années 1980, quand des imams radicaux proféraient des propos haineux dans des mosquées avec une permissivité déconcertante de l'Etat. Il faut espérer qu'un scénario aussi scabreux pour l'Algérie ne se reproduise plus… Il est utile, enfin, de signaler que le journaliste écrivain précise que la conférence qu'il devait animer le 25 janvier dernier, à l'université de Tizi Ouzou, n'a pas été annulée mais seulement reportée à une date ultérieure.