Au-delà de l'intérêt médiatique qui est monté crescendo depuis une semaine, la célébration du 50e anniversaire du Congrès de la Soummam se décline selon des séquences qui, pour beaucoup, sont loin de refléter l'importance de l'événement et sa portée historique. Que propose-t-on de si édifiant et de novateur, que ce soit du côté officiel que de celui des forces politiques et de la société civile pour marquer un demi-siècle d'attachement à ce qui est assumé, du moins majoritairement, comme acte fondateur de l'Etat algérien ? Point de débat digne de ce nom en amont qui puisse faire rayonner l'événement et lui permettre des prolongements dynamiques. Plutôt la reconduction de recettes qui fait du folklore ou de l'agitation, c'est selon des constantes bien commodes. Concours de chants patriotiques pour troupes amateurs, cycle cinématographique usant des bobines qui ont fait plusieurs fois le tour d'Algérie et dont on connaît par cœur les répliques, inauguration de fresques et autres monuments, le tout dans un décor embelli à coups de chaux et des drapeaux qui flottent au vent. Placé sous le slogan « La Soummam, le serment renouvelé », le programme piloté par le ministère des Moudjahidine, semble se contenter d'une occupation physique de l'espace qui aurait pu certes avoir de la portée politique avec la présence du président de la République. Or, le président ne viendra pas, à moins d'une surprise qui reste fort improbable. Des pans de l'opinion restaient hier encore suspendus à l'éventualité de voir le président Bouteflika monter au mémorial d'Ifri et prononcer un discours, tant le flou a été entretenu jusqu'aux derniers instants par les officiels. Nombreux cadres de la wilaya, parmi les mieux placés, donnent l'air de n'être pas plus renseignés que les aures. Une culture du secret décidément bien entrée dans les mœurs et qui à elle seule dément cette proportion à présenter les contentieux politiques comme ayant vécu. Mais sinon, et si l'on se fie à l'organisation protocolaire de l'événement, rien n'indiquait hier qu'une délégation présidentielle allait être reçue par la wilaya de Béjaïa. Voilà qui refroidit un élan entretenu depuis le début de l'été et qui a pris dans son sillage y compris l'affaire du coup de boule de Zidane à la finale du Mondial allemand pour donner le footballeur d'origine algérienne comme Guest-star probable de la célébration aux côtés du président. Une chose est sûre néanmoins, la venue du président de la République a été envisagée depuis l'amorce des préparatifs, il y a plusieurs mois, et à des moments divers du processus, et sans doute quelque chose a manqué ou un obstacle s'est interposé pour que l'événement ne se concrétise pas. Peut-être l'insistance d'acteurs politiques de l'opposition, notamment celle du FFS, à vouloir faire de la date un moment saillant de la vie du parti et un nouvel épisode de mobilisation contre les projets politiques du pouvoir. Ressourcement Le parti de Hocine Aït Ahmed réduit désormais, comme la majeure partie des sigles politiques à rebondir via des fiefs et des dates précises, met toutes ses forces dans la célébration. Au-delà du ressourcement « naturel » qu'assume et revendique le FFS à la charte de la Soummam depuis des années - puisque pour le parti « l'Etat démocratique et social » défini par le congrès reste à construire - il s'agit là de faire valoir son rôle de première force politique dans la région de Kabylie, qui plus est, quand l'occasion est donnée, de faire évoluer les troupes dans un lieu aussi symbolique qu'Ifri et une date aussi marquante que le 20 août, pour démentir la thèse de la « normalisation ». Mme veuve Abane, à la tête d'un comité spécialement mis en place pour la circonstance, avec entre autres l'appui de Hocine Zehouane, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), compte également effectuer le pèlerinage à Ifri pour signifier la nécessité de replacer la plate-forme de la Soummam comme référent premier dans tout effort de construction de l'Etat algérien. Un message qui, comme celui délivré par le FFS, s'inscrit en opposition contre la révision annoncée de la Constitution. L'enjeu de l'échéance ne peut ne pas se profiler, en effet, comme arrière-fond de la célébration même si la tentation, côté pouvoirs publics, peut inspirer de faire de la date d'abord une opportunité de renouer symboliquement les ponts avec une région qui demeure politiquement rétive au discours officiel. Les voix qui continuent encore à militer pour une relance du débat autour des fondements de l'Etat à partir de la plate-forme de la Soummam, beaucoup plus rares et isolées qu'il y a à peine quelques années, auront bien du mal à peser. C'est tout le cinquantenaire qui risque malheureusement de passer sans impacts et de se résumer en un ballet de délégations sur le mémorial haut perché.