Privé de pouvoir jouer dans le championnat algérien au profit du NA Hussein Dey en raison d'une réglementation «tordue», Nicolas Anelka est sur le point d'occuper la fonction de conseiller du président de ce club, Mahfoud Ould Zmirli. Dans l'entretien accordé à El Watan Week-end, il parle de cette nouvelle expérience et de bien d'autres sujets. - Confirmez vous aujourd'hui que vous avez pris officiellement vos fonctions au NA Hussein Dey ? Non, je n'ai pas pris encore mes fonctions, pour l'instant, j'observe, mais on peut dire que c'est tout comme, car je me suis mis d'accord avec le président du club. - En quoi consiste votre mission au club ? Ma mission est d'observer tout ce qui se passe au club et de retenir toutes les choses positives et négatives. Transformer par la suite le négatif en positif afin d'améliorer les résultats de l'équipe sur le terrain dans un premier temps. Mais on espère aussi changer certaines choses pour ramener plus de professionnalisme dans le club. - De nombreux supporters, pas seulement ceux du NAHD, ont été très déçus de ne pas vous voir jouer sur les terrains algériens. Vous, comment avez-vous accueilli la nouvelle ? C'est dommage ! Normalement il n'y a pas d'âge pour jouer au football, mais je respecte les règlements algériens. S'il est écrit qu'il ne faut pas dépasser 27 ans, je suis obligé de l'accepter. Grâce au président Ould Zmirli, je travaille quand même au club. C'est vrai que cela aurait été beau de jouer en Algérie. Mais c'est la vie ou plutôt c'est la réglementation ! - Des Algériens disent qu'Anelka aurait pu jouer en Algérie les yeux fermés. Considérez-vous que vous auriez pu apporter un plus au football algérien ? Selon vous, ne faudrait-il pas changer cette réglementation ? Maintenant, il est trop tard pour moi, mais pour un autre joueur, qui a envie de venir en Algérie ce serait bien de revoir cette réglementation. Aujourd'hui, comme je l'ai dit, il n'y a pas d'âge pour jouer au football ; 27 ans c'est encore jeune. A 32 ans ou même à 35 ans, on peut encore être très performant. Il y a actuellement des joueurs de 35 ans qui continuent à évoluer dans le haut niveau. Le football est universel et il n'a pas d'âge. L'interdiction est tombée sur moi, j'espère que dans un futur proche cela pourrait servir de leçon pour changer cette réglementation. Cela permettrait à des joueurs de tout âge voulant venir en Algérie de le faire. Je pense que ce serait positif pour le championnat algérien et le pays. - Vous avez assisté dernièrement au match NAHD – ESS. Votre première appréciation sur votre équipe ? Je pense qu'on a une bonne équipe. On a joué contre le champion d'Afrique et on a fait match nul. Cela veut dire que l'écart n'est très grand. Le coach et son adjoint font tout pour améliorer les résultats. Avec les joueurs que j'ai vus à l'entraînement et en match, en opérant quelques réglages, cela devrait aller pour pouvoir se maintenir en Ligue 1. - Le club était par le passé une véritable école de formation. Selon vous, que faut-il faire, en plus de l'infrastructure, pour que celui-ci retrouve sa vocation de formation ? Je pense qu'il faudrait d'abord trouver le bon camp où l'on doit s'entraîner tous les jours. Ce sera un peu comme la maison. C'est mieux, selon moi, que de s'entraîner entre le stade du 20 Août 1955, Bensiam et Zioui. Ensuite, je reste persuadé qu'il y a un grand potentiel à développer ici en Algérie, je connais beaucoup d'Algériens et aussi les qualités de ses joueurs. Je pense que le club doit développer l'infrastructure pour les jeunes. A partir de là, on peut sortir beaucoup de jeunes joueurs pour leur permettre d'aller en France, en Belgique et ailleurs. Les Algériens ont tout pour pratiquer le football. Ils ont la technique, le physique, ils sont endurants. Il leur suffit juste un peu de coaching tactique et le travail mental. J'ai vécu dans de nombreux pays et je sais qu'il y a un gros potentiel ici. Le football se développe à la base. Vous aviez eu Rabah Madjer à l'époque. Il faudra donner les moyens et la chance à des jeunes de devenir d'autres Rabah Madjer. - Avec votre nouveau rôle ici en Algérie, cela voudrait-il dire que vous tirez un trait définitif sur votre carrière de footballeur ? Non. J'ai déjà eu beaucoup de contacts, mais j'ai refusé, parce que j'avais donné mon accord pour venir ici en tant que conseiller du président. Je reprendrai sûrement du service à la prochaine saison. Pour l'instant, je peux dire que ma carrière est entre parenthèse. - L'après-carrière de footballeur, Anelka la voit dans le milieu du football ou en dehors ? Je dirais plutôt en dehors du football, mais il ne faut jamais dire «jamais». J'aime le football, les jeunes et aussi prodiguer des conseils. Si une opportunité se présente pour travailler avec les jeunes ici, en Algérie, en France ou ailleurs, je le ferai sans hésiter. - Durant sa carrière, un footballeur est souvent amené à prendre beaucoup de décisions. En avez-vous pris certaines que vous avez regrettées par la suite ? Moi, je pense qu'il ne faut pas vivre avec les regrets. Au moment où j'ai pris les décisions dans ma vie, j'avais choisi de les prendre à ce moment précis et je pensais que c'était les bonnes et donc je n'ai aucun regret. Il faut vivre avec le présent et essayer de donner le meilleur de soi-même. Même si j'ai eu des choix compliqués à vivre après. Ce sont des choix que j'assume toujours. - On dit qu'Anelka est un homme à principes, quitte à déplaire à tout le monde. Est-ce vrai ? Oui. J'ai des principes. J'aime l'honnêteté. Je suis droit et je n'ai qu'une parole. Quand je dis quelque chose, j'essaye de le faire même si ça me met en difficulté. L'honnêteté c'est un grand principe pour moi. Quand j'ai confiance en des gens, je leur donne, mais si je n'ai pas confiance, c'est difficile de travailler avec eux. C'est comme ça que j'ai vécu depuis que j'étais très jeune, même si ça a déplu à beaucoup de personnes. Quand on travaille avec de gens qui sont malhonnêtes, on devient l'ennemi. Ça a été dur pour moi. J'ai eu des périodes difficiles dans ma vie. Même s'il y a des moments difficiles, des épreuves et que tu as su garder cette ligne de conduite, tu es satisfait de ta vie. - Vous ne passez sûrement pas inaperçu dans la rue. Est-ce qu'il y a une ligne de conduite à adopter ? Il faut s'adapter surtout dans mon cas. Moi je n'essaye pas d'être une star. Ce sont les gens et la presse qui te collent cette étiquette. J'ai toujours essayé de rester simple et respectueux des gens, mais c'est très difficile. On te voit toujours différemment. Bien sûr, on peut tomber sur moi un jour où je suis en colère. Et ce serait de la malchance pour eux si je suis dans un mauvais jour (rires). Sinon j'essaye toujours d'être disponible avec les gens qui veulent prendre une photo avec moi. Parfois, j'essaye de discuter en leur disant que j'étais comme eux. Une belle voiture, une belle maison, de beaux habits, ce n'est pas ça la vie. La vie c'est de rester humble et chercher à savoir qui on est vraiment, parce que le football et la vie de star ne durent pas. Il y a une deuxième vie après la carrière de footballeur. Seule l'ancienne génération te reconnaît, mais pas la nouvelle. Je le vois à travers mes enfants, qui ne m'ont pratiquement pas vu jouer. Eux, ils connaissent plutôt Ronaldo, Messi et Neymar. - De toutes les expériences de footballeur dans les très nombreux clubs dans lesquels vous avez évolué, quelle est celle qui vous a le plus marqué ? Je pense que l'expérience qui m'a le plus marqué c'est quand je suis parti en Chine. C'est un pays que je ne connaissais pas. J'avais 33 ans quand j'y suis allé et on réfléchit différemment quand on est plus âgé. Avec le recul, je suis très content d'avoir vécu cette expérience. Ça m'a permis de constater que le football est universel. L'Europe, c'est bien, mais l'Asie c'est beau aussi. J'aime découvrir les pays et le monde. On est sur cette terre, on ne vit qu'une fois. Si c'est pour rester sur la même terre et dans le même pays, on n'a rien vécu. Quand je suis arrivé en Chine, j'ai découvert une toute autre culture, une autre mentalité. Aujourd'hui, je parle beaucoup de la Chine, parce que ça m'a marqué et j'ai beaucoup apprécié. - Y a-t-il un club dont vous suivez régulièrement les résultats ? Chelsea. C'est le club, où je suis resté le plus longtemps, j'y ai joué pendant quatre ans. C'est aussi parce que ma famille vit en Angleterre et que je n'habite pas très loin de Chelsea. Donc, je dis je suis plus supporter de Chelsea que d'autres clubs. - Est-ce que ça vous surprend aujourd'hui de voir Lyon avec de jeunes joueurs passer devant Marseille et surtout le PSG au classement ? Oui. Depuis des années, Lyon est un club formateur. Il a formé de nombreux jeunes, à l'image des Benzema, Benarfa et Lacazette qui marquent les buts aujourd'hui. Je ne suis pas surpris de la qualité de formation de Lyon, mais plutôt par son classement. Car, pour moi, le numéro 1 incontesté dans ce championnat, c'est le PSG, avec une force financière au-dessus de tout le monde. Je les vois, malgré tout, remporter le championnat. Mais normalement aujourd'hui, ils devraient être en tête avec dix points d'avance sur les autres formations. - On ne peut s'empêcher de vous poser une question sur la CAN. L'Algérie a été éliminée par le vainqueur de la compétition, la Côte d'Ivoire. Quel est votre avis sur le parcours des Verts ainsi que sur la consécration des Ivoiriens ? Mois je pense que l'Algérie a fait un bon parcours. C'est toujours difficile de répondre présent quand on est annoncé comme le futur vainqueur de la CAN. C'était une grande pression sur les joueurs. J'ai trouvé qu'ils étaient un peu crispés pour ce rendez-vous. Mais je pense qu'ils n'ont pas démérité. Ils ont perdu contre le champion d'Afrique. Ils étaient meilleurs que la Côte d'Ivoire techniquement. Mais cette sélection a joué peut-être plus intelligemment, en sachant que l'Algérie était meilleure. Ils ont joué les contre-attaques. C'est grâce à des joueurs comme Gervinho, Gradel, ils ont pu débloquer la situation en leur faveur. Le coach Renard a été intelligent en décidant ce jour-là de ne pas se livrer et d'opérer en contre. La Côte d'Ivoire a depuis des années une bonne équipe. Cette année, les Ivoiriens ont eu la chance de pouvoir gagner la CAN. Ils ont joué avec intelligence. Ils avaient peut-être moins de qualités que les Algériens, mais avec l'intelligence du coach ils ont réussi à atteindre leur objectif. Même en finale, j'ai trouvé que le Ghana était meilleur. Mais c'était écrit que la consécration serait ivoirienne. - Un message particulier à passer aux Algériens pour conclure l'entretien ? Je dis merci pour l'accueil que je reçois ici en Algérie. Je suis très fier et content de pouvoir déjà visiter le pays. Travailler en Algérie pour moi, c'est une opportunité. Comme j'ai dit, il y faut savoir qu'il y a un potentiel extraordinaire en Algérie et j'espère qu'avec les gens avec qui je travaille, on me donnera la possibilité de faire quelque chose pour montrer qu'il y a vraiment de grands joueurs et peut-être même des prochains Rabah Madjer. Il faudra commencer à former pour qu'un jour ils puissent jouer dans de grands clubs. Car ce sera une grande fierté de pouvoir sortir des joueurs algériens et les voir un jour évoluer dans de grandes formations. Aujourd'hui, la plupart des joueurs de la sélection algérienne ne viennent pas du championnat algérien. Le challenge des prochaines années, je pense, et c'est aussi l'avis de nombreux Algériens, est de voir au moins 50% des joueurs formés ici en Algérie évoluer dans de grands clubs et aussi dans la sélection algérienne. Ce ne sera peut-être pas avec moi, sans doute avec quelqu'un d'autre.