On savait déjà que l'initiative du Front des forces socialistes (FFS) de convoquer une conférence nationale du consensus ne trouvait pas grâce aux yeux du pouvoir, qui s'exprime via ses relais politiques. Le FFS version Nebbou a dû annoncer le report de son rendez-vous, prévu demain, faute de «clients» politiques de poids qui auraient pu le légitimer. Mais en fait de report, il s'agit en réalité d'un échec évident à vendre un objet politique non identifié qu'est cette conférence nationale du consensus sans ordre du jour. L'une des principales béquilles politiques du pouvoir, le RND, vient de donner le coup de grâce à la démarche du FFS, confirmant ainsi la terrible déclaration du FLN émise par son secrétaire général, Amar Saadani. Officiellement, le RND devait rendre sa réponse au FFS lors de la prochaine réunion de son bureau national. Mais il semblerait que l'on ait décidé, en haut lieu, d'étouffer la voix du plus vieux parti de l'opposition, naïvement coupable de se prendre trop au sérieux. «Le projet de la conférence nationale du consensus, initiée par le Front des forces socialistes (FFS), ne présente pas les conditions de son succès, en dépit de ses intentions nobles», tranchait hier Abdelkader Bensalah, lors d'une rencontre régionale des cadres et des élus du parti, à Bou Hanifia (Mascara). Autrement dit, il est même inutile d'attendre le bureau national pour enterrer politiquement la conférence du FFS, en mévente chez l'opposition et désormais décrétée illusoire chez les partis du pouvoir. Signe que l'histoire du bureau national n'était qu'un niet diplomatique, M. Bensalah a fait savoir, hier, devant les militants de son parti, qu'«aucune initiative ne peut réussir sans le parrainage des institutions légitimes de l'Etat et leur supervision directe». Les illusions perdues du FFS Le chef du RND et néanmoins deuxième personnage de l'Etat (président du Sénat) a révélé que «plusieurs questions» ont été posées au FFS «sans pour autant recevoir de réponses claires». Et à Bensalah de porter l'estocade au FFS : «D'autres interrogations restent sans réponse au vu des contradictions marquant la classe politique nationale, ce qui a compromis l'avenir de cette initiative.» Tant qu'à faire, il aurait alors été plus correct d'opposer ce «dogme» politique d'emblée à la délégation du FFS pour ne pas lui donner de faux espoirs. Et pour cause, le chef du RND a souligné que son parti «s'est inscrit dans la démarche du président de la République visant la révision de la Constitution, considérée comme le choix le mieux indiqué pour le règlement des problèmes du pays». Plus généralement et comme pour marquer son allégeance totale au pouvoir, dont il est un élément inamovible depuis plus de vingt ans, Abdelkader Bensalah a considéré que «toutes les initiatives soumises n'apportent aucune nouveauté ou une quelconque plus-value par rapport à la révision de la Constitution attendue». Exit donc la transition démocratique de la CNLTD, la conférence du consensus du FFS et même l'initiative du MSP. Bensalah ne peut, il est vrai, concevoir son parti en dehors du pouvoir, conformément à son ADN politique d'appareil dispensé de toute réflexion et ne disposant pas d'autonomie d'action. Le FFS, qui a pris le risque de se mettre à dos l'opposition, son milieu naturel, apprend à ses dépens qu'il n'est pas non plus facile de faire la paix avec le pouvoir, même en renonçant à ses préalables politiques historiques.