Le choix de la direction du FLN pour une prorogation des délais d'application des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale et sa plaidoirie pour une révision de la Constitution avant la fin de l'année se raffermissent. Le parti a désormais « les bons vents dans ses voiles », selon la métaphore du chef de son instance exécutive, M. Belkhadem, qui a galvanisé, hier, des troupes enthousiastes venues à Béjaïa des quatre coins du pays pour prendre part à l'université d'été du parti. Le regroupement, qui, jusqu'à hier matin, a reçu près de 1200 militants, en attendant de nombreux retardataires, selon les indications de M. Belkhadem, a été ouvert dans une salle de la Maison de la culture qui s'est avérée trop exiguë pour contenir la foule, et surtout complètement inadaptée pour accueillir des manifestations du genre, tant l'absence de la climatisation a vite fait de la transformer en sauna. Au premier rang, il y avait de nombreux ministres, des parlementaires et des figures connues du parti, dont Boualem Benhamouda. L'homme dont les dernières déclarations ont brisé le consensus, à tout le moins partisan, sur le caractère prioritaire de la révision de la Constitution, donnant ainsi du grain à moudre, aux médias notamment, ne passe pas inaperçu même s'il se fait un peu discret. Hormis Madjid Sidi Saïd, patron de l'UGTA, le regard cherche en vain un visage connu de l'aréopage d'invités de marque annoncés par les organisateurs. L'intervention de M. Bounekraf, ancien ministre et responsable du comité d'organisation de l'université d'été, replacera d'emblée l'objet du regroupement en plaidant en substance la redynamisation des structures organiques pour les préparer à relever les défis politiques à venir. Une longue communication qui a fait s'impatienter les présents, suant à grosses gouttes comme dans un hammam, et attendant tous l'intervention de M. Belkhadem. Celui que tous les militants affublent du titre de secrétaire général du parti monte enfin à la tribune et se voit couvrir les épaules d'un burnous brun des mains du président de l'APC de la ville. Une ville dont le choix n'est pas fortuit pour la tenue du regroupement comme le reconnaîtra M. Belkhadem. « On oublie souvent, quand on évoque le Congrès du 20 août 1956, de compléter l'énoncé… Pourquoi omet-on d'indiquer que le 20 août 1956, il y a eu le congrès du FLN dans la région de la Soummam ? », dira le chef de l'instance exécutive sous un tonnerre d'applaudissements. « Congrès du FLN à la Soummam » Le parti, qui tente de donner l'image d'une machine politique non seulement remise en marche mais qui a acquis la puissance de gagner d'autres espaces institutionnels, revendique comme œuvre historique propre l'acte fondateur de l'Etat algérien. « Le FLN assume son passé intégralement », affirmera M. Belkhadem. Dans le même élan, l'orateur avait rassuré les militants que la période difficile était passée et que désormais le FLN a « les bons vents dans ses voiles ». Selon l'orateur, le nombre des nouveaux adhérents au parti est égal à celui de ceux qui lui renouvellent leur attachement. « Nous sommes ceux qui créent l'événement dans le pays », harangue-t- il, au moment où la confusion prend dans une partie des travées de la salle. Des militants de Batna distribuent un communiqué qui dénonce le désordre organique au niveau de leur wilaya et les manipulations dont seraient coupables des cadres instruits par la direction du parti de restructurer la base. Il a fallu l'intervention des vigiles, sapés des gilets de l'APC de Béjaïa, et l'implication de Amar Tou pour aplanir les vagues. De la bouche de nombreux participants au regroupement, l'on apprendra que la tâche de restructuration est des plus laborieuses à l'intérieur du pays et que le provisoire continue à frapper une grande partie des instances locales, malgré « les recommandations du 8e congrès réunificateur ». L'incident, vite contenu, n'a pas perturbé l'orateur qui revient sur la nécessité de réviser la Constitution, option « qui ne participe point de la lubie ». Pour lui, la Constitution votée en 1989 a été l'émanation d'une crise qui menaçait de souffler la stabilité du pays, comme celle votée en 1996, et de ce fait les deux moutures ne peuvent que souffrir des lacunes. Aujourd'hui, le pays fonctionne à deux vitesses, d'une part une batterie de textes juridiques qui ont évolué avec les nouveaux développements que connaît le pays, et de l'autre, une loi fondamentale qui, par divers aspects, constitue un blocage pour l'élan, a en substance plaidé M. Belkhadem. Redéfinir l'équilibre des pouvoirs entre les institutions, les relations entre les deux chambres du Parlement, celles entre le chef de l'Etat et le chef du gouvernement…, des points qui, a poursuivi M. Belkhadem, imposent des amendements notables dans la Constitution. « Il s'est trouvé des gouvernements qui ont revendiqué la paternité d'un programme pourtant émanant d'un président qui a été élu sur la base du même programme ! », a-t-il, par ailleurs, lancé dans une allusion claire à son prédécesseur à la chefferie du gouvernement. Dans le même ordre d'idées, l'orateur promet d'œuvrer à « libérer » la loi sur la Fonction publique car « l'attente a trop duré ». De même que l'on a tenu à rappeler l'effort fait pour débloquer la situation des salaires que toute la maison FLN revendique comme son œuvre en opposition à l'option prise par Ouyahia sur le sujet. L'allocution a été suivie d'une communication sur l'évolution constitutionnelle dans le pays, présentée par Lazhari Bouzid qui trouve que les amendements cycliques de la loi fondamentale sont un procédé courant dans les meilleures démocraties. Les débats ouverts, des intervenants se sont permis des « digressions » qui ont renseigné sur l'état des échanges entre les différentes instances du parti. Ainsi, un intervenant a averti contre les risques du pouvoir personnel et appelle carrément à la construction d'un « véritable système parlementaire ». Un autre fait remarquer que les amendements proposés par le groupe de travail installé par les instances nationales demeurent toujours méconnus par la base, alors qu'un jeune militant de l'UNJA profitera de la tribune pour, carrément, interpeller M. Belkhadem sur le cas des jeunes détenus d'Arzew (Oran), arrêtés dans le contexte des troubles qu'a connus la localité. L'intervention d'un vieux militant de Saïda remettra les choses en place. « Nous n'allons pas faire dans la politique politicienne entre nous ; M. Belkhadem, vous avez notre entière confiance. Le FLN a réussi à partir de la Soummam en 1956, il se relancera à partir de la Soummam ! »
