Depuis quelque temps, entre le wali de Béjaïa, Hamou Ahmed Touhami (HAT), et certains élus, c'est le déballage. Des conflits ont éclaté entre eux au grand jour et se sont invités sur la voie publique. Le dernier en date a fait sortir députés, sénateurs et autres élus et militants du FFS dans la rue. Avant le FFS, c'est le maire de Tinebdar qui s'est fait entendre d'une manière fracassante. Installé en octobre 2010, HAT a emballé ses cartons à Djelfa, qu'il a quittée pour une wilaya au million d'habitants et aux mille et une frustrations. 52 mois après, ses détracteurs se font nombreux et le bilan des rapports administration/élus n'est pas rose. La preuve ? La justice a à traiter au moins six plaintes nées de ces rapports conflictuels. Il y a trois ans, les relations n'étaient pas aussi tendues entre le FFS et HAT. Sauf que les présentations ont déjà sonné un faux départ : «Monsieur le wali, vous êtes venu casser le FFS.» Les responsables locaux du parti d'Aït Ahmed soupçonnent un wali «missionnaire». Ils se mettent sur leurs gardes. Résidence d'hôtes, au lendemain des législatives de 2012. Les autorités civiles et militaires, les députés FLN et RND s'impatientent pour le déjeuner auquel ils sont invités par le wali. Les sept députés du FFS ne viennent pas. «Nous ne sommes pas venus pour manger», ont-ils fait savoir. Une réplique politique qui rejoindra une autre, criée celle-là quelques mois plus tard. Aux résultats du dépouillement du très politique vote sénatorial, une voix mi-jubilante, mi-frondeuse d'un cadre du FFS s'invite dans le vacarme de la salle des délibérations de l'APW. «Béjaïa n'est pas à vendre !» s'est écrié le futur ex-député du FFS, Khaled Tazaghart, alors fédéral du parti. Le candidat du FFS, Brahim Meziani, venait de passer sénateur. A la tribune, au milieu des magistrats, ce qui est inhabituel, se trouve le wali. Tazaghart vient d'annoncer la couleur. Les hostilités peuvent commencer. Le foyer ardent de Tinebdar Deux ans après son installation, Hamou Ahmed Touhami s'est fait des ennemis. Braham Bennadji, le maire de Tinebdar, a été le premier à monter au créneau. En 2010, Bennadji était à la moitié de son premier mandat de maire. Lorsqu'en 2012, il rempilait pour un deuxième mandat, sa liste de candidature fut rejetée par l'administration pour un motif ambigu qui laissait croire que le candidat était en conflit avec la population. La justice valide sa liste et Bennadji est réélu à une majorité écrasante. Depuis, entre le wali et lui, c'est la lune de… fiel. A peine une année après leur réélection, les huit élus indépendants de l'APC de Tinebdar annoncent une démission collective. Ils protestent contre l'attribution «illégale» d'un agrément à une zaouïa. Le président de l'APC accuse le wali d'avoir «préfabriqué» cet agrément dont il réclame une copie. «Il n'a qu'à la demander à la DRAG», réplique le wali. A vrai dire, le «foyer» de Tinebdar est resté ardent depuis la riposte frontale du maire. En décembre 2013, Bennadji s'est fendu d'une déclaration publique au titre nerveux à l'intention du wali : «Je ne suis pas votre fonctionnaire, Monsieur le wali !» Il faut dire que c'était la première fois qu'un maire osait un tel coup de gueule public. La raison est que le wali lui a adressé un questionnaire le sommant d'expliquer son absence à une réunion de travail. Le questionnaire avait sonné comme un sermon provocateur pour un élu du peuple. Saga de plaintes Le conflit a perduré et s'est invité dans l'institution judiciaire. Le président de l'APC de Tinebdar a déposé une plainte contre le wali qu'il accuse de l'avoir traité de «porc» lors une conférence de presse. Ce que nie le wali. Accusé, Ahmed Touhami devient à son tour accusateur et dépose plainte contre Bennadji s'estimant diffamé par l'accusation de trafic de l'agrément de la zaouïa. Chassé-croisé de plaintes au tribunal. Le DRAG actionne la justice contre le même Bennadji en s'appuyant sur des déclarations publiques. Le wali a aussi introduit une autre plainte contre le président de l'APW, Mohamed Bettache, qu'il accuse de l'avoir diffamé lors d'un sit-in du FFS. Et ce n'est pas fini. HAT dépose plainte, pour diffamation aussi, contre le député FFS Chafaâ Bouiche, qui lui avait dit, le 26 novembre 2014, lors d'une rencontre à la wilaya, tout le bien qu'il pensait de lui. Mais là, la plainte du wali se heurte à l'immunité parlementaire de son accusateur. «J'ai déposé plainte et j'attends. 2017 c'est demain» confie le wali dans un entretien à El Watan. Pourtant, c'est en novembre 2011 que HAT essuie sa première grosse accusation publique. Le colonel Ahmed Bencherif, ancien patron de la Gendarmerie nationale, l'a accusé, à partir de Djelfa et via la presse, de corruption, l'affublant du surnom de «Hamou 10%». Bencherif n'a pas d'immunité. L'autre plainte qui a grossi les dossiers des magistrats ne le vise pas lui, mais l'Assemblée que préside Bettache. L'administration accuse l'APW de n'avoir pas respecté la procédure légale dans le vote du dernier budget. Ces plaintes risquent de demeurer même après le départ de HAT. La rumeur le donne partant à chaque veille de mouvement de walis. Encore plus, depuis tous ces remous qui ont provoqué cette bataille juridique. La dernière rumeur le donne partant à la retraite. Elle l'a fait sourire. Mais, il esquive la question d'El Watan. Pourtant, Touhami vient tout juste de fêter ses 61 ans. C'était le 20 février. Dans l'horoscope, Touhami est poisson, un poisson dans l'eau, que les grognements de ses détracteurs ne semblent pas déranger.