Le ministre de la Communication part en guerre contre la critique. Ce qu'il appelle, depuis sa nomination post-quatrième mandat, «la professionnalisation de la presse» s'avère une œuvre d'assujettissement de la presse et de musellement de la liberté d'expression. Dans une déclaration faite jeudi, après les pressions exercées sur la presse nationale, Hamid Grine s'en prend cette fois aux correspondants de la presse étrangère. Sous la noble bannière de «l'éthique et la déontologie», le ministre distille pourtant injonctions et oukases pour réduire les espaces de liberté et assène coup sur coup aux médias n'entrant pas dans le moule du quatrième mandat. «L'Etat algérien a le droit de ne pas renouveler l'accréditation des correspondants des chaînes et des journaux étrangers qui insultent, diffament ou usent de violence verbale ou écrite», a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse tenue jeudi dernier. Il a ajouté que «les correspondants étrangers doivent respecter les règles». Et de préciser : «Nous concrétiserons le projet du président de la République relatif à la professionnalisation de la presse, quelles que soient les circonstances.» Après que Abdelaziz Bouteflika ait affirmé être le rédacteur en chef de la télévision et de l'APS, l'ancien journaliste et chargé de communication de Djezzy, Hamid Grine, se veut le rédacteur en chef de toute la presse sans exception, décidant de ce qui doit être dit ou écrit et sous quel angle. Ainsi, après avoir exercé des pressions sur les annonceurs en vue d'étouffer financièrement les journaux insoumis au diktat de la ligne éditoriale du quatrième mandat, Grine menace les correspondants de la presse étrangère d'user du couperet de la censure. Une menace intervenant après le retrait de l'accréditation au correspondant du journal londonien Asharq Al Awsat, Boualem Ghomrassa, sanctionné non pour ses écrits dans ce média, mais pour un avis émis sur une chaîne de télévision. L'avis et l'analyse des journalistes sont donc ainsi soumis à la notation de Hamid Grine, qui pourrait être tenté de délivrer des jetons de parole aux journalistes.Mais ce que le ministre semble omettre, c'est qu'en politique aussi, l'éthique est de rigueur. On ne peut pas vendre de la censure pour la professionnalisation. Si la formation pour le respect des principes d'éthique et de déontologie est de rigueur pour les journalistes, il est aussi utile de rappeler que l'administration outrepasse ses prérogatives en s'ingérant dans l'exercice de la profession journalistique. Le ministère de la Communication n'est pas le garant de la déontologie et encore moins le maître à penser de la presse. Les sacrifices consentis par la profession méritent bien mieux qu'un hideux statut de presse servile, collaboratrice de la pensée unique.