Coup dur pour Bouteflika et ses partisans : la régularité de l'élection présidentielle d'avril 2014 qui avait vu le président sortant rempiler pour un 4e mandat est sérieusement remise en cause par le rapport de la Mission des experts de l'Union européenne qui avait supervisé le scrutin, dont El Watan détient une copie. Ce document démonte les mécanismes administratifs, juridiques et politiques du processus électoral et recense tous les manquements constatés qui ont eu pour effet d'altérer la crédibilité du scrutin. Les experts de l'UE sont remontés jusqu'au contexte politique d'avant le 17 avril, où les premiers signes de la manipulation du scrutin commençaient à apparaître avec la nomination de proches de Bouteflika aux postes-clés des ministères et institutions ayant un lien avec les élections : l'Intérieur, la Justice et le Conseil constitutionnel. Cette saillie politique n'a pas échappé à la vigilance des experts européens qui ont, par ailleurs, passé au scalpel le cadre juridique, les mécanismes du processus électoral, la partialité de l'administration au profit du candidat du pouvoir, relevant, tour à tour, les différentes failles du système électoral qui ne pouvaient que déboucher sur des résultats dépourvus de toute «traçabilité». Soucieuse du respect des convenances diplomatiques, la Mission des experts de l'UE a pris soin, dans la rédaction de son rapport, qui se situe en droite ligne du «livre blanc de Ali Benflis sur la fraude électorale», de mettre toutes les réserves émises par leurs «nombreux interlocuteurs». A commencer par le choix de la candidature de Bouteflika pour un 4e mandat, mettant en exergue ses problèmes de santé, son absence de la campagne électorale et son incapacité à assurer les charges de chef de l'Etat. Toutes les observations des experts de l'UE sont à charge. Il n'y a pas l'ombre d'un satisfecit porté au crédit du pouvoir. Tel un couperet, cette sentence lourde résume tout le scepticisme de l'UE quant à la régularité et la transparence de ce scrutin. «L'ampleur de la victoire du Président sortant dès le premier tour a surpris bon nombre d'interlocuteurs», lit-on dans le rapport des experts de l'UE. Ces réserves sur le fond du scrutin contrastent singulièrement avec les messages de félicitations que les dirigeants européens se sont empressés d'adresser au président Bouteflika après la proclamation des résultats. Avec un rapport aussi virulent, sans doute corroboré par les notes et correspondances bien sourcées de leurs chancelleries à Alger, les capitales européennes savaient bien où elles mettaient les pieds ; elles ne se s'étaient pas aventurées en terre inconnue. Ce rapport qui devait être rendu public et qui ne l'a pas été, à la demande semble-t-il du gouvernement algérien, met à nu la duplicité des gouvernements européens avec le pouvoir algérien. Le business prime sur le destin des peuples. Les grands discours sur le soutien aux luttes démocratiques ne sont que de la poudre aux yeux. L'opposition algérienne, regroupée au sein de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique, a bien compris l'enjeu du processus électoral en Algérie, en militant pour la mise en place d'une commission nationale indépendante d'organisation et de surveillance comme préalable à l'organisation des élections anticipées auxquelles elle appelle. Ne dit-on pas qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même ?