Ces derniers jours, l'aérogare Rabah Bitat de Annaba ne désemplit pas. Quotidiennement, elle est prise d'assaut par un nombre important de voyageurs à destination de Paris, Marseille et Lyon. Qui en solitaire, qui avec femmes et enfants, chacun tente de décrocher le billet d'accès lui permettant de prendre place dans un des appareils de la compagnie Air Algérie. Cela ne se passe pas sans heurts aux comptoirs d'enregistrement des passagers. Sous une chaleur caniculaire et dans une aérogare faite en tôle et d'une saleté digne d'un hangar, des centaines de voyageurs, y compris ceux du réseau domestique, se bousculent à qui mieux mieux. « Il faut pousser, crier, se bagarrer pour espérer avoir sa carte d'accès. Pour mes vacances en famille dans mon pays, j'ai pris la précaution de réserver l'aller et le retour. Si au départ de Paris, je n'ai pas eu de problème, ce n'est pas la même chose aujourd'hui pour mon départ de Annaba. Ma femme et moi risquons d'avoir des problèmes avec notre employeur. J'ai été surpris d'entendre le préposé d'Air Algérie me dire que mon o. k. est fictif », affirme Moncef B., accompagné de son épouse et de ses deux enfants en bas âge. Plus d'une vingtaine d'autres sont dans une situation similaire. Depuis des jours, ils tentent de décrocher la carte d'accès en effectuant quotidiennement la navette entre Guelma, Tarf, Souk Ahras, Skikda, Annaba et l'aérogare, en vain. Certains reconnaissent qu'ils n'avaient pas réservé une place pour le retour. D'autres, billets en main, montrent à qui veut les écouter la mention « O. K. » à la date, heure et destination prévue. Selon eux, le bakchich transforme un billet « open » en un « O. K. » au détriment de ceux ayant pris le soin de réserver le retour. « Sous mes yeux, j'ai vu quelqu'un glisser un billet de 1000 DA dans le passeport et bénéficier de la carte d'accès alors qu'il a un billet open. On me dit que ma réservation est fictive. J'étais là hier où 16 voyageurs ayant le O. K. ont été évincés. Il ne faut surtout pas parler de la liste d'attente. Elle est à la disposition de ceux qui versent », a ajouté Moncef, approuvé par d'autres voyageurs déçus et dont le seul espoir de retour en France réside dans une hypothétique liste d'attente. Aux guichets, la pression sur les préposés est continue. Officiers ou simples agents de police ou de douanes s'y bousculent pour intervenir au profit d'une ou plusieurs de leurs connaissances. Il y a également ceux qui ne croient en les droits des autres que lorsqu'ils assouvissent leurs propres passe-droits. « Nous n'y pouvons rien. La moindre opposition équivaut à des problèmes. Il y a quelques mois, pour s'être opposé à un dépassement commis par un proche d'une haute personnalité de l'Etat, un de nos confrères a été sanctionné. Notre employeur n'a même pas pris en compte ses 35 années de bons et loyaux services. Dès lors, il ne faut pas s'étonner de voir d'autres situations anormales à l'aéroport Rabah Bitat de Annaba », avoue un agent de la compagnie Air Algérie ayant requis l'anonymat. La décision prise à la demande de la direction locale de la compagnie de réduire considérablement les vols supplémentaires a aggravé la situation. Ceux, du reste rares, programmés coûteraient cher aux voyageurs n'ayant pas respecté la date et l'horaire prévus sur leur réservation. La direction commerciale de la compagnie a instruit l'ensemble de ses structures à l'effet d'appliquer une pénalité. Elle a été fixée à 5000 DA pour ce type de voyageurs de plus de 12 ans d'âge et 2500 DA pour les plus petits. Du côté des cadres locaux de la compagnie, l'on se garde de faire une quelconque déclaration aux représentants de la presse. « Seule notre cellule de communication à Alger est autorisée à la faire », aiment à répéter les responsables d'Air Algérie à Annaba. Même s'ils reconnaissent rencontrer des problèmes avec les O. K. fictifs établis par des agences de voyages françaises peu scrupuleuses, les mêmes responsables démentent catégoriquement tout acte de corruption aux guichets.