Depuis le mois de janvier et les attentats de Paris, les autorités françaises craignaient particulièrement le «cyberdjihadisme», pour ce qui est de l'enrôlement des recrues, promettant des efforts en la matière, avec plus de personnels et de moyens. C'est ce qu'ont rappelé hier matin les ministres de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et de la Culture, Fleur Pellerin. Ils étaient trois, car la nouveauté est de taille et les dépassait certainement : les mécanismes de défense contre la cyberpropagande terroriste ont perdu une bataille essentielle, celle de la crédibilité. Au lendemain de la cyberattaque historique contre tous les canaux de diffusion de TV5 Monde, peu importe les chiffres avancés par les responsables de l'Etat français pour relancer la lutte efficacement, cela reste de la communication, qui avait quelque chose de surréaliste, voire science-fictionnel alors qu'ils étaient au chevet d'un malade qui mettra des heures à se rétablir, et des mois pour reprendre des couleurs. Le mal est fait et on ne peut pas dire encore les incidences réelles de cet «attentat». Cette attaque est jugée «sérieuse», par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). «Ce n'est pas simplement une défiguration de site, on sait que c'est plus important que ça.» DZ Quant aux auteurs de l'attaque, le site Breaking3zero, cité par BFM TV, indique avoir identifié en partie le concepteur du virus, dont le pseudo Dz porterait la signature de hackers algériens. Les analystes indiquent également être remontés jusqu'à un autre hacker localisé en Irak. Tous les médias, hier estomaqués, ont relevé l'impensable : les djihadistes de l'Etat islamique ont réussi à faire taire un média francophone mondial, et à imposer à la place de l'écran noir leur propagande antifrançaise, qu'ont pu voir ainsi des millions de téléspectateurs dans tous les continents, au nom d'un «cyber-caliphate qui continue de mener le cyber-djihad». On ne fera pas ici la publicité aux propos tenus. Depuis Charlie en juin (rappelé par les cyberterroristes), et l'intensification de la présence française dans la lutte antidjihadiste, les appels sont toujours les mêmes avec une nouveauté plus précise : des menaces contre les familles des militaires. Ainsi, en prenant le contrôle des pages facebook et Twitter de TV5 Monde, des documents présentés comme des pièces d'identité et des CV de proches de militaires français impliqués dans les opérations contre l'EI ont notamment été postés. D'où la grande inquiétude, alors qu'hier à Paris, on disait qu'une enquête est ouverte sur le piratage et le gouvernement se disait «déterminé» à combattre «des terroristes déterminés», selon les propos du ministre de l'Intérieur. GUERRE Face à cette volonté qui a tout d'un pari difficile, le responsable d'Arrêt sur images (télévision en ligne) postait hier matin une analyse pertinente : «Qu'on ne s'y trompe pas, c'est bien une guerre, une vraie, dont ce piratage est un épisode. Une guerre aux contours exacts encore incertains, aux lignes de front floues, une guerre que nous ne parvenons pas à penser, hypnotisés que nous sommes par les fantômes du XXe siècle, sur lesquelles s'adossent nos raisonnements et nos fantasmes». En janvier, «19000 sites internet français ont été attaqués», selon le vice-amiral Arnaud Coustillière, officier général cyberdéfense à l'état-major des armées. Pour les experts, sur les médias écrits, radios et télévisés, une chose est sûre, «on passe à une étape supplémentaire», tellement la surprise a été grande qu'un groupe puisse «éteindre une télé, prendre le contrôle d'une chaîne», d'autant qu'il se disait hier que TV5 Monde était tout à fait sécurisée. Il est fort possible que les djihadistes aient pénétré dans l'enceinte virtuelle par le biais d'un logiciel d'appel par internet, via des journalistes, soit des téléspectateurs. Par-là, les terroristes auraient pu implanter des virus, s'infiltrant progressivement jusqu'au moment clé d'une attaque frontale, lorsqu'ils avaient une possession des lieux suffisantes. Autant dire qu'il y aura un avant et après 8 avril 2015, comme un énième 11-Septembre.