L'embargo aérien et maritime imposé par Israël sur le Liban alimente la polémique entre les différentes forces politiques libanaises. Alors que certains reprochent, aussi bien au Hezbollah qu'au gouvernement, d'avoir accepté la résolution 1701 demandant le désarmement du Hezbollah et l'arrêt immédiat des hostilités, avant la levée de l'embargo, d'autres estiment que la résistance a commis une grave erreur. Celle d'avoir accepté la résolution de l'ONU, au moment où l'armée israélienne s'enlisait dans le Sud-Liban. Le rassemblement organisé hier devant le parlement libanais pour exiger la levée du blocus sur le Liban, a été précédé, la veille, par l'appel du chef du gouvernement libanais, Fouad Siniora, à la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, de faire en sorte que le blocus soit levé dans les plus brefs délais. Sur le plan interne, outre les effets préjudiciables de l'embargo, le gouvernement est confronté au véritable casse-tête des bombes à fragmentation larguées par l'aviation israélienne dans le Sud-Liban et à Beyrouth-Sud. D'après des experts, la destruction de ces engins explosifs ne pourra s'achever que dans une dizaine d'années. Une véritable obsession pour les populations, contraintes à vivre sous la menace des bombes et des mines quelques années après la fin de la guerre. «Piégés» par la mise en oeuvre de la résolution 1701, la résistance et le gouvernement libanais sont ainsi doublement pénalisés. Pourquoi n'a-t-on pas demandé la levée de l'embargo comme préalable à l'application de la résolution1701?, s'interroge-t-on au sein de la classe politique libanaise. Ce bras de fer intervient au moment où le chef de l'état-major de l'armée israélienne demande la mise en place d'une commission d'enquête indépendante sur les opérations militaires au Liban. Cela, au moment où les pays européens continuent d'envoyer des troupes au Sud-Liban pour renforcer les forces de la Finul dont le nombre est estimé jusqu'à présent, à pas moins de 10.000 soldats. Leur objectif est, non seulement de sécuriser la frontière israélo-libanaise en prévenant tout conflit, mais surtout d'intercepter tout acheminement d'armes via la Syrie et l'Iran, au profit du Hezbollah. A noter que, lors de sa visite à Damas, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan aurait reçu des assurances de la part du président Bachar Al Assad que le passage des armes vers le Liban fera l'objet de mesures de contrôle renforcées aux frontières. Bonne intention ou manoeuvre de diversion du président syrien pour être dans les bonnes grâces de la communauté internationale. Comme chat échaudé craint l'eau froide, la Syrie essayera de gagner encore du temps pour éviter toutes éventuelles représailles de la part des Américains, même si des observateurs considèrent que Téhéran veille sur Damas et que toute agression contre la Syrie ne laissera pas indifférent l'Iran. Les deux peuples sont intimement liés, en dénotent les centaines de ressortissants et commerçants iraniens qui écument les principales artères de Damas. «Comment se fait-il que lorsque les Etats-Unis revendiquent publiquement leur soutien à Israël, personne ne réagit?», s'interroge un jeune Syrien. «On ne va pas nous complexer, nous continuerons à soutenir la résistance, n'en déplaise à Israël et ses alliés», enchaîne-t-il. Dans les rues de Damas, on ne parle que du Hezbollah et des positions courageuses du «Raïs» (Al Assad, ndlr). Pour les Syriens interrogés, les régimes arabes doivent se ressaisir ou fournir les armes acquises à coups de milliards de dollars à la résistance. Pour le moment, d'après eux, seul le président vénézuélien, Hugo Chavez, a donné une leçon aux gouvernements arabes, en rappelant, en pleine guerre, son ambassadeur à Tel-Aviv. Un geste qui lui a valu respect et considération auprès des Syriens. Les posters géants de Chavez placardés dans les lieux publics et portant la mention: «Amour et respect au Venezuela et à son président», se passe de tout commentaire. Enfin, la situation que vit le Liban depuis la fin de la guerre a été attisée ces derniers jours par le général Michel Aoun qui semble vouloir pousser, encore une fois, à travers ses déclarations, à la guerre civile. Aoun avait, en effet, accusé le gouvernement libanais de rouler au régime syrien, tout en se soumettant aux pressions américaines. C'est dans cette conjoncture que s'est tenu, hier, au siège de l'Assemblée nationale libanaise, un rassemblement des principales forces politiques. Organisée à l'initiative du président du Parlement, Nabih Berri, cette rencontre a permis de réitérer le rejet unanime de l'embargo contre le Liban, en dépit de la mise en oeuvre de la résolution 1701. Lors de ce rassemblement, le ministre libanais de l'Information, Ghazi Aoudhi, a dévoilé une campagne de sensibilisation menée à l'étranger en faveur de la levée du blocus. Il dénoncera par la même certaines chaînes de télévision, notamment européennes et américaines, de diffuser l'appel du gouvernement libanais. Intervenant devant les députés, Fouad Siniora a précisé que le rassemblement ne vise pas uniquement à lever l'embargo sur le Liban mais à réitérer le retrait d'Israël des territoires occupés.