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Les conditionnalités d'une sortie de crise garantie (2e époque)
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Publié dans El Watan le 15 - 05 - 2015

Deux acteurs nouveaux, latents dans la société, en plus de l'establishment politique établi (1), vont investir et tenter de structurer le champ politique national : Le CNLTD (2) et les «nouveaux riches» (3). Le premier acteur est né d'un échec patent de la nébuleuse opposition (4), constaté à maintes reprises et à plusieurs occasions et de sa faiblesse mobilisatrice.
En effet, le Pouvoir a mis en place des mécanismes dits de «redressements» qui consistent à la fractionner en plusieurs courants au sein d'un même parti ou d'une organisation (5) qui atteindrait une masse critique qui pourrait le menacer ou même le concurrencer. Cette action a pour objectif d'atomiser le parti en créant plusieurs partis opposés issus de la même mouvance (6). Cette pratique, très efficace au demeurant, a été mise en œuvre par le Pouvoir, chaque fois que nécessaire, pour tous les partis de la coalition majoritaire, de l'opposition ou les autres organisations politiques, syndicales, culturelles, associatives, caritatives, sans distinction aucune.
La première opération-test fut appliquée au FLN de feu A. Mehri, qui, selon le Pouvoir réel, s'était permis de sortir de la ligne rouge en allant discuter, en Italie, avec la communauté de San Egidio (7). De redressement en redressement, le FLN a finalement été dompté et mis au service exclusif du Pouvoir, en imposant à sa tête une marionnette scélérate prête à toutes les missions les plus abjectes et à toutes les compromissions même les plus lâches, décidées par le Pouvoir, incarné par le Président elliptique (8). Il faut reconnaître que le Pouvoir a eu raison de cet appareil qui, même vidé de sa substance nationaliste, demeurait un puissant levier incontournable et symbolique de promotion politique, pratiquée depuis l'indépendance (9).
Cette pratique a, en même temps, mis le Pouvoir directement en face de la vindicte populaire et de ses revendications légitimes, sans garde-fous ni relais sociétaux, ce qui va se traduire par sa fragilisation de plus en plus prononcée, doublée d'une réaction populaire de rejet-désaffection. Cette situation va sceller ainsi définitivement la rupture entre la société et le Pouvoir, car sa décrédibilisation va s'accélérer en même temps que va augmenter son illégitimité avérée dans toutes les consultations électorales (10) à tous les niveaux (11). Ainsi, la consécration constatée d'un Pouvoir faible va l'entraîner vers des solutions de fuite en avant, face aux problèmes réels qui traversent la société et à des traitements répressifs tous azimuts, pour prolonger son agonie.
Dans cette même veine, la création du RND, décidée par le couple Zeroual-Betchine, pour contrebalancer le FLN et créer ex nihilo un relais sociétal, dévoué au nouveau Pouvoir, a donné, à ce dernier, un court temps de répit, nécessaire à la mise en œuvre de l'option militaire, retenue pour combattre et amortir le tsunami de l'islamisme politique et ses métastases radicalisées et franchisées, qui avaient déjà occupé la fertilité du terrain social en sédimentation sociologique accélérée, durant l'ère C. Bendjedid (12).
Ce parti dit de l'«administration de l'Etat», dans lequel le Pouvoir s'était investi avec des moyens financiers considérables pour en faire un de ses démembrements, va devenir, à son tour, au fur et à mesure des redressements opérés par le Pouvoir, pour son affaiblissement, un enjeu de politique, au même titre que le FLN, son alter ego. Il va représenter le pouvoir politique incarné par la haute hiérarchie administrative et bureaucratique qui a récupéré la quasi-totalité du pouvoir économique (13). Dès lors, une série de redressements vont l'inféoder au Pouvoir pour mettre fin aux tentations cachées, nourries par certains de ses premiers responsables (14) de se présenter comme une alternative au Président elliptique et de ramener les «brebis égarées» à la bergerie pour festoyer.
Le MSP, après avoir contribué, avec des contreparties sonnantes et trébuchantes, à consolider l'alliance présidentielle sous la direction de M. Nahnah et de son disciple coopté A. Soltani, va tenter de prendre ses distances et de signer un nouveau contrat commercial avec le Pouvoir, après le redressement autorisé et accordé à A. Mokri pour récupérer le parti et celui accordé à A. Ghoul de créer un parti, sur mesure, le bien nommé TAJ (couronne, en français). La tentative de remise en cause de ce modus vivendi, par le MSP qui a souhaité renégocier son contrat commercial avec le Pouvoir, va entraîner une violente riposte du Pouvoir qui va le contraindre à la mission de fragilisation de la tentative de rassemblement amorcée par le bloc hétéroclite inscrit sous le générique de l'opposition (15).
Quant au PT (16), son leader incarné, après avoir soutenu le 4e mandat présidentiel «bec et ongles», prend le risque calculé d'accepter sa nouvelle feuille de route et ses missions qui consistent à mettre en œuvre le processus de remplacement, en douceur, du Président elliptique (17). Ses diverses sorties médiatiques ciblées et ses accusations directes du clan présidentiel, par personnes interposées, ne visent en réalité que le Président elliptique et le besoin vital de son remplacement rapide, avant que toute la classe politique actuelle ne disparaisse avec lui par une lame de fond populiste imprévisible mais attendue.
Ses attaques doivent être inscrites sur le registre d'une volonté de protection du système actuel, tel qu'il est et dans lequel elle est partie prenante. La deuxième République, qu'elle appelle de ses vœux, doit lui permettre de consolider sa proximité vis-à-vis du Pouvoir réel, avec tous les avantages que cela procure, sachant pertinemment que des urnes «propres et honnêtes» la feraient disparaître définitivement du paysage politique national et international.
Cette situation vitale, pour elle et son parti, l'engage à prôner le changement dans la continuité, plutôt que de plaider pour un changement de système qui la fera disparaître ! Consciente que le Pouvoir faible actuel ne peut accepter aucune alternance ni aucune solution politique à la crise structurelle que vit notre pays depuis 1999, même au prix d'un bain de sang, elle prend le parti et la défense de la seule force capable à ses yeux de peser sur lui, l'institution militaire, afin d'infléchir sa position intransigeante. En éclaireur averti, rompue à la polémique politicienne, embusquée dans son talweg, elle cible les centres de pouvoirs et décoche ses flèches empoisonnées à tous ceux qui ne vont pas dans le sens de cette option stratégique vitale.
Le FFS, de son côté, reste fidèle à la ligne que lui a assignée son fondateur, H. Aït Ahmed (18), à savoir une opposition sans dialogue avec le Pouvoir. Les quelques actions «d'opposition constructive» et de «participation au gouvernement» ainsi qu'aux élections communales et législatives lui ont vite révélé la logique du Pouvoir et sa volonté de maintenir intacte son emprise sur tous les leviers de commande, ce qui va l'inciter à renoncer à toute proximité avec lui.
D'un autre côté, la donne régionale et les tensions avec les autres partis à teinture régionaliste (le RCD et le MAK) vont s'ériger en rapport de force de domination entre ces différents courants politiques. Cette situation va faciliter l'œuvre d'affaiblissement de ces partis par le Pouvoir, qui va s'engouffrer dans ces querelles byzantines, en soutenant tantôt l'un, tantôt l'autre, mais en injectant toujours la division entre eux.
Les autres partis, associations, organisations et personnalités politiques (19) seront traités de la même manière, par redressements successifs, pour préparer le terrain, le moment venu, pour la prise de pouvoir. Ainsi, comme nous avons pu le constater, l'UGTA (20) et le FCE (21) ou le Croissant-Rouge algérien (22) ainsi que d'autres organismes et «personnalités politiques» (23) ont tous été revisités afin soit d'être consolidés soit d'être écartés du sprint final pour figurer sur le podium en pole position au sein du nouveau Pouvoir qui se prépare sous nos yeux.
Les données de l'équation sont simples : maintien intact du Pouvoir, changement dans les équilibres des clans. La vente du package politique à l'étranger demeure une exigence qui a décidé le Pouvoir à «ouvrir le champ politique» puisqu'il peut afficher, à l'étranger, à son actif, quelque quarante partis au moins et des milliers d'associations, agréés par le ministère de l'Intérieur. Cette posture du Pouvoir donne également et surtout l'impression factice d'une activité politique plurielle en Algérie avec, en filigrane, le message en direction de l'étranger que la gestion de l'Etat est entre de «bonnes mains» et que l'Algérie ne risquera pas d'imploser, introduisant une zone additionnelle de déstabilisation, dans la région, qui en compte déjà plusieurs (24).
Les deux acteurs nouveaux, latents dans la société, ne changent pas vraiment la problématique du Pouvoir dans notre pays. Ils ne font que complexifier sa gestion de la rente et de sa distribution, puisque l'un comme l'autre souhaitent s'émanciper des tutelles idéologiques, organiques ou mafieuses dont ils sont tous les deux respectivement issus. En effet, les «nouveaux riches» ne veulent plus être sous les coupes réglées de ceux qui leur ont permis d'atteindre ce niveau historique de richesses douteuses (en Algérie et à l'étranger) et ont toujours besoin d'être assurés de ne jamais avoir à rendre de comptes à quiconque.
Ils aspirent à accéder au Pouvoir politique après qu'on leur eût permis d'accéder au pouvoir financier rentier (25). Tapis à l'ombre de leur richesse douteuse antérieurement, ils s'affichent, aujourd'hui, fièrement en public, assurés de l'impunité et de la puissance que cette richesse leur assure, en Algérie et à l'étranger (26). Leur préoccupation vitale, c'est de ne jamais avoir à rendre des comptes à quiconque, sur le processus d'accumulation de richesse passé, de continuer à les accumuler ad vitam aeternam.
Cette puissance financière douteuse ne doit être en aucun cas contestée ni récupérée, violemment ou judiciairement, par un bouleversement du système de Pouvoir issu d'un processus sociétal démocratique. Ils se doivent donc d'être partie prenante, quel qu'en soit le prix, dans la décision finale de désignation élective du prochain Président ! Cette angoisse latente leur est infusée par un certain nombre de faits objectifs nationaux et étrangers, d'oligarques qui se sont vu jetés aux gémonies, après avoir atteint des cimes les plus hautes du Pouvoir (27). A n'en pas douter, les «nouveaux riches» vont jouer leur avenir de classe à court terme, et ils miseront le tout pour le tout.
La société civile, organisée dans la nébuleuse opposition, ainsi dénommée CNLTD, veut être également partie prenante dans la décision qui va structurer le destin de notre pays, malgré ses divisions et les différents courants idéologiques qui la traversent. Elle détecte, de par son ancrage dans la société, les dangers qui guettent le pays et la région et veut également s'émanciper de la tutelle idéologique des partis politiques traditionnels coalisés avec le Pouvoir ou opposés à lui.
Elle souhaite ouvrir un «espace citoyen» pour prévenir contre tout dérapage qui nous fera revenir à la guerre civile que nous avons déjà subie et payée chèrement (28). Sa démarche consiste, avant tout autre chose, de revendiquer un changement de système de Pouvoir, plutôt qu'un changement de personne qui ne réglerait aucun des problèmes qui traversent notre société et qui s'apparenterait à une fuite en avant. Comment organiser ce passage, sachant que les équilibres internes et externes sont très fragiles et que les marges de manœuvre se réduisent au fur et à mesure que le Pouvoir s'entête dans sa volonté de prolonger sa propre agonie ? (A suivre)


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