Plutôt que de s'escrimer à épousseter l'Université de la corruption et du népotisme qui la gangrènent, on se fait du mourron pour une histoire de jupe», se désole Fares, étudiant à la faculté des sciences politiques et de l'information, Alger 3. L'affaire de l'étudiante qui s'est vu interdire l'accès à la faculté de droit par un agent de sécurité en raison de sa jupe jugée «trop courte et indécente», selon les critères de bienséance du préposé à l'accès du site, a suscité une vive polémique. «Je pense que l'agent avait raison dans le sens où l'étudiant est tenu d'avoir une allure respectueuse dès qu'il accède dans l'enceinte de l'université. Cependant, l'agent a outrepassé ses prérogatives. Il n'avait pas à rentrer dans ce genre de considérations et demander à la fille d'aller se changer, d'autant plus que l'étudiante est mariée, selon ce qu'on dit et qu'elle était accompagnée de son époux. Il aurait été préférable de lui interdire d'accéder à la faculté, mais pas de s'ingérer dans la façon dont la fille était habillée. C'est aux responsables de l'établissement d'intervenir», s'insurge Feriel, étudiante en microbiologie à l'USTHB. Houda, étudiante en biochimie dans la même université, est plus sévère et plus taquine. «Je suis contre ce genre d'accoutrement. Chaque fois je vois des cas pareils, des jeunes étudiantes très légèrement vêtues, je me demande comment on les laisse rentrer à l'université», s'étonne-t-elle avec cette pointe d'humour : «Si elles entrent en classe d'examen avec ces minijupes, je suis sûre que personne n'aura la moyenne cette année». Au plus fort moment de la polémique, l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur Tahar Hadjar, alors recteur de l'université Alger 1, défendait son agent de sécurité en affirmant qu'«il faisait son travail». Et selon M. Hadjar, la mission de l'agent est de «faire respecter le règlement intérieur». Un règlement qui interdirait vigoureusement des tenues «indécentes» qui portent atteinte au respect des personnes et à l'image de l'université. Selon le recteur, le règlement n'oblige personne à porter le hidjab ou le tchador, mais il exige une tenue décente, aussi bien pour les filles que pour les garçons. En fait, le responsable n'invente rien. Il remet au goût du jour soit en 2015 et à l'Université, le code vestimentaire acceptable dans la grande majorité des établissements et institutions de l'Etat. Seulement voilà, la majorité des étudiants approchés ignorent tout de l'existence d'un éventuel «règlement intérieur» fixant les conditions vestimentaires requises. «Je n'ai jamais entendu parler de ce genre de règlement. D'ailleurs, il faut voir dans quelles tenues déambulent les étudiantes à l'USTHB : shorts, petits hauts à bretelles…, il n'y a jamais eu d'injonction ou de remise en question par les agents de sécurité, ni des responsables de l'administration, ni des enseignants», assure Houda. Mais, au-delà de ce qui existe déjà, de l'habit de l'étudiante et de la polémique elle-même. Deux problématiques semblent émerger de cette histoire. D'abord, l'existence même d'un règlement intérieur dans les établissements universitaires. Ce genre de code doit impérativement être remis à toute la population universitaire (de l'établissement concerné) dès sa première inscription. Personne ne doit ignorer son existence ou passer outre ses obligations. Or, de tous les étudiants et étudiantes approchés, aucun n'a déclaré avoir eu connaissance de ce règlement. Ensuite, la seconde problématique est liée aux rôles et prérogatives des agents de sécurité. Ces derniers peuvent-ils, ont-ils le droit d'interdire l'accès à un établissement universitaire à un étudiant muni de sa carte ? Est-ce à l'agent de sécurité de décider ? On constate, ces dernières années, par des faits divers pas très éloignés dans le calendrier, que ces agents sont devenus les maîtres des lieux : plus videurs qu'agents de sécurité. Sans cesse, des étudiants, des invités et parfois même des enseignants et professeurs d'université dénoncent leur agressivité et leur emprise sur les établissements universitaires, confortés qu'ils sont par les «encouragements» de certains recteurs et doyens complices. Alors, cette histoire de la fac d'Alger ne doit pas se résumer à la simple longueur de la jupe. Elle devrait aller plus loin, vers des règles plus transparentes (sans jeu de mots) et une éthique plus saine.