Des fils, des perles, du velours… rien n'est assez beau pour les mariées tlemceniennes. La chedda, classée par l'Unesco, fait travailler bien des petites mains. Entrez dans les coulisses de cette haute couture made in Algeria. L'habit traditionnel le plus cher de l'Algérie est une économie à lui tout seul ! L'arftan fait travailler 1000 artisans inscrits auprès de la Chambre de l'artisanat et des métiers et plus de… 10 000 artisans dans l'informel. Selon les estimations des professionnels de la chedda, les 14 métiers mobilisés autour de la confection de cette tenue font vivre pas moins de 40% des familles tlemceniennes. «L'arftan, par son importance culturelle et par la diversité des articles qui la compose, représente une source de revenus pour une grande partie de la population tlemcenienne, insiste Réda Benmansour, expert en habit traditionnel et patrimonial de Tlemcen. Dans la plupart des maisons de la ville, au moins une femme travaille l'arftan.» De la haute couture ? En quelques sorte. Car le prix d'un arftan de deuxième choix «peut varier entre 60 000 DA et 120 000 DA sans les bijoux», précise Ammaria Boudia, présidente de l'association El Assala qui œuvre pour la préservation et la promotion du patrimoine artisanal ancestral. Pour avoir un arftan de premier choix avec du véritable velours et de véritables fils d'or, il faudra débourser jusqu'à plus de 200 000 DA. Cet habit porté essentiellement par les femmes du grand Ouest dans les mariages et les fêtes, superpose plusieurs éléments dont l'origine remonte aux différentes périodes et dynasties historiques de la région. Parmi les huit pièces qui compose l'arftan : une veste courte en velours, entièrement brodée à la main ou à la machine avec du fil d'or ou d'argent. Une grande partie de la chedda est couverte de plusieurs rangées de perles djouhar et différents sautoirs et colliers traditionnels. La blousa, une robe longue en tissu mensoudj, est portée sous l'arftan lors de la cérémonie du mariage mais aussi seule lors du rite khamstache qui se déroule au quinzième jour du mariage dans un hammam en présence des invitées des deux familles. Le pagne doré ou argenté nommé fouta et la ceinture appelée hzèm, tous les deux en mensoudj, ne sont portés par la mariée qu'au lendemain de sa nuit de noce. Car selon les traditions tlemceniennes, «la femme vierge ne porte ni l'une ni l'autre», explique l'expert. La coiffe conique ou la chachya, fabriquée à base de velours, est travaillée avec de la broderie mejboud, du fil d'or ou d'argent. Sur le devant, elle est aussi ornée de sept à neuf diadèmes frontaux à caractères arabo-andalous. Le mendil, un long foulard en mensoudj est décoré par une rangé de ftoul lie la chachya, les bijoux de tête. Au-dessous, on pose un autre foulard carré connu sous le nom de tahwika ou abrouk en mousseline brodée et perlée. Enfin, des kmèm (manches) du même tissu et ornées de la même façon sont conçues pour couvrir le haut des poignets de la femme. Une richesse qui a valu son classement au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco en 2012 suite à une demande officielle initiée par la direction de la culture de la wilaya et plusieurs experts de l'habit traditionnel.