La grève générale entamée samedi par les enseignants et l'ensemble des fonctionnaires palestiniens a mis, encore une fois, en relief, les profondes divergences entre le Fatah, le plus vieux mouvement résistant palestinien, à la tête depuis plus de 40 ans de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), et le Hamas, le mouvement islamiste qui a vu le jour au cours de la première Intifadha palestinienne, en 1987. Alors que le Fatah se retrouve dans l'opposition depuis la victoire du Hamas aux législatives du mois de janvier, position à laquelle le mouvement du président Abbas est nullement habitué, le Hamas s'est retrouvé, contre toute attente, amené à former le gouvernement palestinien et à assumer une grosse responsabilité à laquelle il ne s'était pas bien préparé. L'une des responsabilités du gouvernement est de verser des salaires mensuels aux fonctionnaires, ce que le gouvernement actuel n'a pu faire, six mois durant. Le gouvernement formé par le Hamas a été incapable de casser l'embargo international imposé par les principaux donateurs, en l'occurrence, l'Union européenne et les Etats-Unis. Les pressions internationales ont, par ailleurs, réussie à stopper les aides émanant des pays arabes et musulmans. Si l'on ajoute l'état de siège imposé aux territoires palestiniens par Israël, on peut se rendre compte de la complexité de la situation à laquelle s'est retrouvé confronté le gouvernement. La communauté internationale exige du Hamas et du gouvernement de reconnaître l'Etat hébreu et de mettre un terme à la lutte armée. Ces conditions, refusées à ce jour par le mouvement islamiste palestinien qui prône la libération de l'ensemble de la Palestine historique, dans laquelle il n'y a aucune place à l'Etat hébreu, sont les seules qui puissent lui permettre d'obtenir les dons et les aides nécessaires au bon fonctionnement des institutions de l'Autorité palestinienne. Le Fatah s'est ouvertement déclaré en faveur des mesures prises par les grévistes alors que des responsables du Hamas et du gouvernement ont essayé de casser le mouvement de grève par des menaces de licenciements, ou même par la violence. Certains cas d'agressions physiques contre des enseignants et des directeurs d'écoles de la part d'hommes armés appartenant au ministère de l'Intérieur ont été noté ici et là, alors qu'un jeune écolier de Naplouse, en Cisjordanie occupée, a été blessé par balle dimanche, lorsqu'il s'apprêtait à rejoindre sa classe. Sinon, le mouvement de grève, suivi par une grande majorité des fonctionnaires, se passe dans le calme. « Une grève illimitée et les arrêts de travail ne sont pas légaux et ne mèneront pas à une levée du siège contre notre peuple ou à une accélération du paiement des salaires », a indiqué, dans un communique, le porte-parole du gouvernement, Ghazi Hamad. « La grève est plus importante que prévue : 80 à 95% des enseignants de Rafah (sud de la bande de Ghaza) à Jenine (nord de la Cisjordanie) font grève », s'est félicité Jamil Chehada, secrétaire général du syndicat des enseignants. Le responsable du syndicat des emplies de la Fonction publique, Bassam Zakarna, a indiqué que la grève des autres fonctionnaires était suivie à « 95% en Cisjordanie et a 80% dans la bande de Ghaza ». Selon Zakarna, « le mouvement se poursuivra tant que nos demandes ne seront pas satisfaites », a-t-il ajouté. Le gouvernement et le Hamas ont contesté ces chiffres, affirmant que la grève des enseignants n'avait été suivie qu'à « plus de 50% » et que la plupart des écoles avaient ouvert dans la ville de Ghaza. Le mot d'ordre des grévistes est de ne pas politiser cette action syndicale. « La grève n'est pas dirigée contre le gouvernement ou contre le Hamas, c'est un cri que nous lançons au monde entier, car personne ne peut survivre, permettre une bonne éducation à ses enfants et les habiller, sans revenus. Nous n'avons plus l'argent nécessaire à nos déplacements pour regagner notre travail. Nous exigeons du gouvernement de nous payer, car il nous a promis de nous garantir une vie descente », nous a dit Abou Fadi, la quarantaine, un fonctionnaire du ministère de l'Economie, rassemblé en compagnie des autres fonctionnaires grévistes en face du siège du ministère, à Ghaza. Rami El Helou, un enseignant, père de 5 enfants, nous a déclaré : « Nous ne sommes pas heureux de perturber la rentrée scolaire. Nous voulons que nos enfants puissent bénéficier du meilleur enseignement, mais la situation est devenue catastrophique pour nous et pour nos familles. La vie était difficile même au temps où l'on recevait régulièrement nos salaires, alors imaginez notre situation aujourd'hui après 6 mois sans revenus. Que peut-on faire ? Aller mendier ou bien voler ? j'ai vendu les bijoux de ma femme, il ne reste plus rien à vendre à la maison. D'un autre côté, personne ne peut te prêter de l'argent, car tout le monde est dans le même panier. On ne peut continuer comme ça. Il nous faut une solution, c'est la responsabilité du gouvernement. » Les grévistes que nous avons abordés sont unanimes à faire porter la responsabilité de la situation à l'embargo international, mais aussi au Hamas qui, selon eux, devrait accélérer le pas vers la formation d'un gouvernement d'union nationale, avec un programme politique pragmatique, susceptible de mettre fin à cette crise, qui devient menaçante pour la continuité de l'Autorité palestinienne elle-même. Le porte-parole de la présidence, Nabil Abou Roudeina, a affirmé qu'un gouvernement d'union nationale, en discussion depuis plusieurs semaines par les mouvements palestiniens, devrait être annoncé prochainement. « Les réunions entre le président Mahmoud Abbas et le Premier ministre Ismaïl Haniyeh, dont celles de samedi, ont été productives et positives. Nous nous attendons à annoncer un gouvernement d'union nationale dans les 10 prochains jours », a indiqué Abou Roudeina. Le chef du bloc du Hamas au Parlement, Khalil Al Haya, a toutefois indiqué que « les négociations pour former un gouvernement d'union nationale sont à leur début », réfutant qu'un tel cabinet puisse être annoncé rapidement. Qui croire ? Difficile à dire .