Mercredi dernier, à l'occasion de l'entrée au Panthéon de Germaine Tillion, ethnologue et résistante française, le Président français saluait une femme qui «représente l'égalité entre les femmes et les hommes, entre les cultures, entre les peuples». Les mots sont pesés en pareille circonstance et, même si l'allusion à la relation franco-algérienne n'est pas explicite, ce n'est plus un rêve désormais : nous savons qu'un jour un Président français dira officiellement combien Germaine Tillion représente à sa manière une petite mais précieuse partie de ce ciment qui pourrait solidifier la relation entre deux peuples imbriqués par les vicissitudes de l'Histoire. Ce jour viendra pour démentir ceux qui prévoient l'abîme, opposant dangereusement les uns aux autres, dans une France aujourd'hui largement déboussolée. Comme un symbole de cet espoir partout présent tel un trésor qu'il nous faut préserver et transmettre aux jeunes générations, de cet humanisme, de cette France des Lumières qui doit jaillir et refuser la tentation de l'obscurité, et à quelques encablures du Panthéon en plein Quartier Latin où Germaine Tillion fut directrice d'études, s'est tenu les 26 et 27 mai un colloque organisé par Tassadit Yacine, l'anthropologue spécialiste du monde berbère. La directrice de la revue Awal créée par Mouloud Mammeri voilà trente ans a voulu ce colloque comme pour souligner qu'en cette journée nationale de la résistance, on n'a pas seulement «panthéonisé» une résistante qui a connu dès 1942 l'arrestation et le camp de Ravensbrück (dont elle étudia d'ailleurs le fonctionnement), mais aussi une ethnologue qui «incorpora» (dans le sens d'intégrer physiquement à son corps) l'Algérie et les Berbères des Aurès en particulier sur lesquels elle accumula quantité de notes et d'analyses (perdues car confisquées par les Allemands), comme elle incorpora son berceau initial : la France. Malgré les critiques «savantes» et légitimes qu'ont pu lui opposer Bourdieu, Jean El Mouhouv Amrouche, ou même Pierre Nora sur la question du système colonial, malgré la virulence de Simone de Beauvoir à son égard, Germaine Tillion restera celle qui dénonça avec sincérité la «clochardisation de la population algérienne» par le colonialisme ; celle qui fut à l'origine des centres sociaux à partir de 1955 ; celle qui servit de lien entre le FLN et le gouvernement français et qui obtint de Yacef Saâdi l'arrêt des attentats en 1957 ; celle qui témoignera à décharge lors du procès de ce dernier en 1958 ; celle qui essuiera plus tard les attaques du Général Massu... Elle fut en somme celle qui porta une double mission : recherche en ethnologie et combat politique dans une Algérie en guerre. La vie et l'œuvre de Germaine Tillion invitent donc à «repenser le rôle du chercheur face aux conflits et aux violences sociales». De nombreux invités, chercheurs, ethnologues, sociologues, représentants d'associations… venus de divers horizons ont pu approfondir pendant ces deux journées l'œuvre de cette personnalité hors du commun, qui allia son travail universitaire à son action de terrain, avec une foi constante en l'humain.