Un maître de conférences de la faculté de sciences économiques de l'université M'hamed Bouguerra de Boumerdès, Samir Bellal, est interdit par l'administration de participer à un colloque international à Paris, jugeant sa communication «politiquement incorrecte». Ahurissant. Une autre atteinte qui s'ajoute à une longue série d'interdits qui frappent la communauté des chercheurs universitaires. Dans une déclaration, des universitaires – à leur tête Adel Abderrezak, Addi Lehouari, Ahmed Rouadjia, Ahcène Zehnati et Mourad Ouchichi – dénoncent une «censure académique infâme et sournoise». «C'est avec une grande consternation que nous avons appris que notre collègue, le docteur Samir Bellal, vient de faire l'objet d'une infâme et sournoise censure académique.» Et pour cause, «l'administration de l'université de Boumerdès, qui juge la communication de notre collègue «politiquement incorrecte», refuse toujours, en l'absence du feu vert du ministère de tutelle, de lui accorder une prise en charge qui lui permettrait de prendre part aux travaux du colloque», écrivent encore les signataires de la déclaration. Visiblement, la formalité administrative, inhérente notamment à des considérations de prise en charge logistique, se transforme en un levier de chantage administratif. «La formalité s'est transformée en un levier de chantage administratif exercé clairement dans une perspective de censure académique, avec en filigrane des arrière-pensées politiciennes. A ce sujet, faut-il rappeler que les normes universellement admises et pratiquées veulent que seul le comité scientifique de l'établissement organisateur du colloque est habilité à juger de la pertinence et de la recevabilité des communications soumises par les candidats», affirment les universitaires. L'affaire Bellal révèle que, finalement, la fameuse circulaire de 2010 est toujours en vigueur alors que «le ministère de l'Enseignement supérieur avait assuré qu'elle était retirée suite à une levée de boucliers de la communauté universitaire et des intellectuels. La preuve est apportée par l'arbitraire que subit aujourd'hui notre collègue, qui, reconnaissons-le lui, a le courage et le mérite de rendre public son cas et de dénoncer ses censeurs», attestent les signataires de la déclaration. Pour eux, il est certain que d'autres universitaires subissent «le même diktat sous pareille forme ou d'autres, dans le silence et la crainte de représailles et de mesures de rétorsion administrative». Dans ce climat malsain où l'administration universitaire interfère, au mépris de la loi, dans la recherche académique dans le seul but d'entraver la liberté des universitaires, l'université algérienne censée être un haut lieu de la science, de la liberté de création et de la diffusion des idées critiques, se transforme en un espace totalement caporalisé. Solidaires avec leur collègue de l'université de Boumerdès, les rédacteurs de la déclaration ont eu raison de se demander : «Comment veut-on que les universités algériennes soient internationalement classées et reconnues si on empêche des chercheurs de produire et de participer aux manifestations internationales en toute liberté».Hacen Ouali