Une protestation sourde mine le syndicat des enseignants du supérieur (CNES). La section locale de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou a lancé il y a quelques jours une action de dénonciation de sa direction nationale, accusée «de prise en otage du syndicat et d'étouffer les luttes des enseignants universitaires». Les enseignants de l'université Mouloud Mammeri sont en grève «illimitée» depuis le 11 février dernier pour des revendications sociales et professionnelles. Les syndicalistes de Tizi Ouzou ont noté dans une déclaration que lors du conseil national du CNES tenu les 27 et 28 février 2015, le bureau national du syndicat n'a pas réagi au mouvement de protestation qui boucle un mois cette semaine. La section du CNES de Tizi Ouzou, dirigée par Samy Hassani Ould Ouali, a expliqué dans sa déclaration qu'elle «a été soumise à un chantage odieux et sournois consistant à remettre en cause sa représentativité pour l'amener à accepter, les yeux fermés, la feuille de route négociée en solo et imposée par une direction depuis longtemps déconnectée des réalités du terrain et des préoccupations des enseignants». Ce constat semble partagé par de nombreux enseignants des universités algériennes, dont les sections syndicales sont mises sous l'éteignoir, estime-ton. A ce sujet, l'assemblée générale de la section CNES de l'université Mouloud Mammeri, tenue le 1er du mois en cours, a lancé un appel aux enseignants-chercheurs de toutes les universités du pays pour «se mobiliser et s'organiser pour se réapproprier leur syndicat pour rendre la considération à l'enseignant universitaire». Une pétition on-line a été lancée le 5 mars sur le site de la section syndicale et a pour objet le lancement d'une «dynamique de redressement de l'Université algérienne et pour contrecarrer le projet de révision du statut de l'enseignant-chercheur préparé en catimini par la tutelle de connivence avec ses relais, sans associer les premiers concernés». Jusqu'au 11 mars, la pétition a recueilli 120 signataires des différentes universités, centres universitaires et écoles supérieures (USTHB, Boumerdès, Sétif, Constantine, Jijel, Béjaïa, Bouira, M'sila, Ouargla, Tizi Ouzou, Tébessa, Batna, Tiaret, Ust oran, Naâma et ENP). Tout en accablant leur coordination nationale, les enseignants-chercheurs ont adressé une série de revendications à leur tutelle, parmi lesquelles figurent, entre autres, «la tenue des états généraux sur le fonctionnement de l'Université algérienne, la pédagogie et la recherche, l'augmentation des quotas de logements, la révision du statut particulier, la révision des salaires, l'alignement du doctorat ès-sciences sur le doctorat d'Etat, la suppression de l'habilitation pour les titulaires d'un doctorat ès-sciences, le maintien des mêmes conditions d'accès au grade de professeur et l'alignement du diplôme de magister sur le doctorat LMD». Pour sa part, Abdelmalek Rahmani, coordinateur national du CNES, en poste depuis mars 2007, a estimé dans une déclaration à El Watan-étudiant que son syndicat n'est traversé par aucune forme de grogne et que le problème avec la section de Tizi Ouzou relève de l'organique. «Nous soutenons les collègues de Tizi Ouzou qui ont beaucoup de problèmes locaux, mais l'on est devant une situation de manipulation. Nous faisons face à des manœuvres de déstabilisation, car le CNES a des instances où l'on peut débattre de tout et non pas à travers la presse. Il se trouve que la section de Tizi Ouzou a fait des propositions non retenues par le dernier conseil national où ont siégé 40 sections. C'est cela la démocratie, tout en sachant que Tizi Ouzou en est le bastion. Il faudra retenir que le projet de progression des carrières des universitaires va à l'encontre des privilèges dont certains jouissaient et qu'ils vont perdre». Il apparaît que les universitaires sont aussi traversés par la recherche et luttes d'intérêts à des années-lumière de leur mission.