La crise du Darfour, qui a dégénéré en bain de sang –la guerre dans cette région de l'ouest du Soudan a fait 300 000 morts, selon certaines estimations– est en passe de se raidir après les espoirs d'un processus de paix encore fragile. Les autorités de Khartoum, qui entendent faire valoir un principe de souveraineté nationale, rejettent toute idée de déploiement de troupes étrangères au Darfour. C'est pourtant ce que préconise la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 31 août dernier, portant sur l'envoi d'une force multinationale dont les effectifs pourraient atteindre 20 000 hommes. Cette force multinationale aura pour mission le maintien de la paix dans le Darfour, où les risques de voir réactiver le conflit avec les autorités de Khartoum n'est pas écarté. Le régime soudanais privilégie l'option qui lui permettrait de déployer ses propres troupes, en remplacement des forces de maintien de la paix de l'Union africaine –évaluées à 7000 hommes–, dont le mandat expire le 30 septembre prochain. Khartoum serait favorable à une prolongation du mandat de la force d'interposition africaine, mais l'ampleur des problèmes nés du conflit armé au Darfour –des centaines de milliers de victimes et près de 3 millions de personnes déplacées– expose l'Union africaine à l'obligation de réunir des moyens colossaux pour mener à bien sa tâche. Les membres de l'UA ne sont pas équipés pour faire face au désastre humanitaire qui menace le Darfour dans le cas, toujours pendant, d'une reprise des hostilités. Mais après la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, il est vraisemblable que l'Union africaine passe le relais à une force multinationale de maintien de la paix. Le gouvernement soudanais, qui est opposé à ce déploiement des Casques bleus de l'ONU, tire argument du fait que rien ne pourra se faire sans sa caution, ce qui ferait de la résolution du 31 août 2006 lettre morte. Il faudrait envisager, autrement, une action militaire de grande envergure décidée par le Conseil de sécurité de l'ONU pour faire entendre raison aux autorités soudanaises. En fait, Khartoum s'attache à tirer des avantages stratégiques de cette situation de transition marquée par le retrait des effectifs de l'Union africaine et le déploiement, au Darfour, de la force multinationale. Le régime de Khartoum attend, en fait, des concessions de la communauté internationale, plus particulièrement, tout indique qu'il travaille à faire lever les sanctions prises à l'encontre du Soudan sous l'impulsion des Etats-Unis. Avant le conflit, il y avait eu l'affrontement meurtrier qui avait opposé, pendant vingt ans, le sud du Soudan au gouvernement central avant l'aboutissement à un accord de paix en janvier 2005. Quelles garanties pourrait obtenir le régime de Khartoum à l'égard des missions de la force multinationale au Darfour, plus particulièrement encore sur le versant juridique qui pourrait leur faire craindre d'éventuelles poursuites ? La situation est d'une grande complexité. Elle détermine, de ce fait, les acteurs en présence dans ce dossier à la plus extrême prudence. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui a appelé le régime de Khartoum à prendre ses responsabilités dans la crise du Darfour, ne sera peut-être entendu que sous certaines conditions. Le régime du général Omar Al Bachir ne voudrait à l'évidence pas perdre la face dans un rapport de forces qui amoindrirait sa crédibilité sur le plan intérieur. La question qui se pose est alors celle de savoir si le déploiement des Casques bleus de l'ONU suffira à prémunir le Darfour d'être la prochaine poudrière de l'Afrique.