Moins d'une semaine sépare les élèves de la rentrée scolaire et déjà les préparatifs vont bon train. « Mais pas à celui où vont les prix en ce moment », lança un papa accompagné de ses deux fillettes en shopping dans une librairie et pour cause ! La situation sociale est catastrophique selon les estimations faites lors de la conférence nationale sur la pauvreté qui s'est déroulée à Médéa en 2004. 13 000 familles vivent au-dessous du seuil de pauvreté et 11 000 autres sont potentiellement sans abri, faisant ainsi caracoler la région de Djelfa au premier rang de l'indigence au niveau national. Au début de l'année scolaire qui arrive à grands pas, 204 000 élèves des trois paliers rejoindront les bancs des écoles, dont plus de la moitié seront de nouveau confrontés à l'aléa redondant du transport scolaire et au repas froid de la demi-pension par des températures réputées glaciales en hiver. Ce chiffre est, somme toute, renversant, mais il renseigne néanmoins sur l'étendue géographique qui atteint 1,36% de la superficie nationale, où la difficulté se fait cruciale, particulièrement dans la campagne qui frôle 230 000 habitants pour 193 établissements scolaires, sur 506 pour toute la wilaya. Avec un million d'habitants, celle-ci occupe le 8e rang à l'échelle des grandes circonscriptions et comprend 36 communes disséminées sur un rayon de 500 km. Elle se démarque par sa forte croissance démographique, soit 4,4% en 1998 et un taux d'analphabétisme atterrant, de l'ordre de 54%, contre un taux de scolarisation de 22%. Cependant, ce taux accuse cette année une baisse de 2% en raison d'une déperdition scolaire outrageusement élevée. Un autre indice vient compliquer davantage l'équation de la vie, en termes de pouvoir d'achat, à savoir que la population active dans le public et le privé est de 120 000 travailleurs dont 11 000 émargeant au secteur de l'éducation. Ils ont ont un pouvoir d'achat précaire même s'ils bénéficient cette année de la gratuité du livre scolaire pour un enfant scolarisé. Cette année ne s'annonce pas reluisante non plus au plan pédagogique. On continue toujours d'enregistrer un déficit dans l'encadrement toutes catégories socioprofessionnelles confondues ainsi que par rapport aux équipements scolaires, pédagogiques et scientifiques. 47 établissements ne sont pas fonctionnels du fait de l'absence du minimum de conditions requises, alors que 12 lycées restent à ce jour sans nomination de proviseurs. La menace de grève de 745 professeurs certifiés de l'enseignement fondamental PCEF plane désormais sur ce secteur et qui, probablement, se durcira par le renfort de 100 ingénieurs contractuels, mécontents eux aussi d'avoir été privés du concours d'accès aux postes de PCEF, tout comme les 70 enseignants issus de l'Ecole normale supérieure, non encore intégrés en dépit d'un contrat signé mutuellement avec le ministère de l'Education. Pour l'heure, tout ceci ne signifie rien pour les parents d'élèves dont une frange ne traîne pas pour s'arracher tabliers, fournitures scolaires et autres fringues des boutiques chic, alors que l'immense majorité prend d'assaut les marchés aux puces, parce qu'ils offrent des prix-chocs, mais des prix qui valent quand même l'endettement. Quant à ceux qui sont au chômage, autant dire qu'ils ont déjà fait voler en éclats leurs tirelires non sans avoir a priori gagé ou vendu leur or, celui du salut en situation de crise. Enfin, on aura vu à cette occasion le visage hideux de la misère, personnifié par des écoliers en haillons, en quête de troc de leurs livres de l'année dernière. Selon un père de famille rencontré au détour du marché, « les 2000 DA alloués par l'Etat et la gratuité du livre scolaire pour uniquement la première année primaire ne suffisent pas » et s'écrie : « A quel saint se vouer pour joindre l'utile et comment va-t-on faire à l'épreuve plus ardue du Ramadhan ! »