Il y a deux siècles, jour pour jour, le 17 juin 1815, une imposante armada navale américaine détruisait le vaisseau du plus célèbre corsaire de l'époque, Raïs Hamidou, et sonnait le glas de la légendaire invincibilité de la ville d'El Djazaïr et de toute la Régence d'Alger, qui ne tarda pas ensuite à tomber sous le joug colonial français. L'amiral (Raïs) Hamidou lui-même trouva la mort au cours de cette bataille, lui qui avait pris part pendant sept ans (1808-1815) aux expéditions de la Régence d'Alger contre les navires de commerce croisant en Méditerranée et dans l'Atlantique. Les bateaux américains étaient particulièrement visés car privés, depuis la proclamation de l'indépendance des Etats-Unis en 1783, de la protection de la Royal Navy, le pavillon britannique. Les tensions nées des actions des corsaires algériens contre les navires marchands américains ont conduit le Parlement des Etats-unis à demander — et à obtenir — la constitution d'une force navale suffisamment puissante pour assurer la sécurité du commerce américain dans la région. Cette force n'a pu été utilisée, dans un premier temps, contre la Régence d'Alger en raison d'un accord de paix signé entre les deux parties en 1795, mais qui n'a tenu que quelques années, avant qu'une multiplication des affrontements entre les deux flottes n'engendre des pertes humaines, la détention de nombreux captifs et des incidents diplomatiques incessants. Il a fallu attendre la fin de la guerre anglo-américaine, en 1814, pour voir les Américains s'octroyer les moyens de se recentrer sur la «lutte contre la piraterie» et lever une flotte destinée, en priorité, à faire la chasse aux croiseurs algériens. L'événement marquait un retour retentissant à la guerre aux Etats «barbaresques», en référence à la Barbarie (c'est ainsi que les Européens appelaient le Maghreb central actuel) pour stopper, disait-on, la piraterie (course) en Méditerranée. Le 17 juin 1815, l'escadre américaine repéra, non loin de Gibraltar, le vaisseau de Raïs Hamidou, le Meshouda, équipé de 44 canons mais qui a fini, malgré une farouche résistance, par céder face aux attaques foudroyantes de trois navires américains suréquipés et bien conduits par le célèbre commodore Stephen Decatur. Le reste de la flotte algérienne est rapidement dispersé et un bilan américain avait fait état de 4 morts et des blessés côté américain, contre 50 morts, deux navires capturés et 400 prisonniers côté algérien. Le Raïs Hamidou a été, à sa demande, jeté dans les eaux de Gibraltar. Cette défaite ouvrit la voie, l'année suivante (en 1816), au bombardement d'Alger par une flotte anglo-hollandaise qui «acheva le mythe d'El Djazaïr El Mahroussa», pendant que des malheurs de toutes sortes s'abattaient sur la Régence (peste, famine, sauterelles, révoltes paysannes, forte dépréciation de la monnaie...), rapporte aujourd'hui l'essayiste Nouredine Smail (à lire sur www.aps.dz). «La Régence, ainsi affaiblie et minée de l'intérieur, écrit-il, constitua une proie idéale pour les milieux d'affaires et autres ultras français qui procédèrent au blocus d'Alger en 1827 pour aboutir à la chute de la Régence en 1830» et l'avènement violent de la colonisation de peuplement française.