La mer finira-t-elle par avoir raison des falaises de Aïn Taya ? Ces falaises, qui ont fait la réputation de la commune, fondée en 1853 et surplombant ces dernières, sont en passe de devenir le nouveau cauchemar des habitants des quartiers du front de mer, menacés par l'avancée de la mer. De nombreuses habitations exposées se sont déjà effondrées : spectacle ahurissant qu'offrent ces demeures, nouvelles ou anciennes ou plutôt ce qui en reste. La vue de ces dernières vous renvoie une image de ville bombardée et le propos n'est pas exagéré. Fébrilement arrimées à la falaise de la plage de Aïn Chorb, les vieilles bâtisses datant du temps des premiers colons, des Mahonnais venus des îles Baléares et les récentes constructions ont été, avec patience, travaillées par les flux et les reflux des vagues de la Grande-Bleue : les murs lézardés, les fondations découvertes et les toits effondrés. A la nature rien ne résiste. Les dégâts ne se situent pas seulement à ce niveau : le quartier de l'avenue de la Victoire est, témoigne un « natif » de la cité, lui aussi sur- exposé au danger. La célèbre route carrossable et l'escalier d'autrefois conduisant à la plage ont été emportés par les flots. Au loin, une partie de Déca-Plage prend des airs de lac asséché. Une digue et une brise-lame ont été réalisées à quelques mètres du rivage par la Méditerranéenne des travaux maritimes (MTM), comme cela a été décidé dans le projet piloté par les services de la wilaya d'Alger pour la « protection » de la zone. Achevé depuis presque une année, le travail, tel qu'il a été accompli, ne semble pas faire l'unanimité auprès des habitants qui accusent l'entreprise d'avoir fait dans le « bricolage et dans l'improvisation ». Ce qui fut autrefois la plage de Aïn Chorb n'est plus qu'un lointain souvenir : la brise-lame qui a été construite ne bloque pas seulement les vagues, mais aussi le sable. Du sable fin, fierté des habitués des plages emblématiques de Aïn Taya, Tamaris, Surcouf et Suffren entre autres, s'est fait rare, dénaturant complètement cette plage. « C'est une véritable catastrophe environnementale », s'alarme un membre d'un comité de quartier de la ville. Un peu plus loin, l'ancienne plage Les Falaises. Pour éviter que la situation ne se gâte davantage, les autorités traiteront le mal par le mal : une digue s'étendra de là et sur environ un demi kilomètre le long de cette côte. Une solution extrême qui rayera de la carte une des plus belles plages de la capitale, ce qui en partie commence déjà à se faire. « On commence d'abord par la mise en place de l'enrochement, puis viendra ensuite la mise en place des BCR, les immenses blocs cubiques rainurés », explique le chef du chantier de la MTM, Mustapha Boudjemaâ. Le travail prendra, tel que « prévu », de Suffren ou Aïn Beïda (le plateau La Rassauta compte trois sources : Aïn Beïda, Aïn Kahla et Aïn Taya, ndlr), La digue de protection ceinturera la falaise sur une distance de 500 m . « Nous n'avons commencé que depuis un mois », précise le responsable. En effet, sur ce chantier, la MTM a remplacé au pied levé Sotramo, société des travaux maritimes de l'Ouest. Le contrat de cette dernière, nous révèle-t-on, a été résilié par les autorités pour « non-respect » du délai de réalisation. Soulignons que ce qui a été réalisé jusque-là est exclusivement l'œuvre de cette entreprise. « On est nouveau ici, on est en train de mettre en place un tout-venant de carrière pour rehausser le niveau du rivage et protéger la falaise », souligne notre interlocuteur. A quelques mètres de celles-ci, l'ancienne cité des coopérants russes risque d'être dévorée par la mer si la digue n'avait pas été construite. La plage Les Falaises a complètement disparue, cédant la place aux imposants blocs de béton qui forment un barrage artificiel. « C'est la seule solution pour éviter l'avancée de la mer », soutient le chef du chantier. L'infrastructure devra s'achever, d'après celui-ci, au printemps. Ça dépendra, explique-t-il, du climat et de la mer. La « mauvaise » saison arrivant et les travaux connaîtront à coup sûr de fréquents arrêts. Devant l'ampleur des dégâts, le vice-président de l'Apc de Aïn Taya nous expliquera qu'il faut une enveloppe budgétaire conséquente pour parer ce problème. Rien que l'étude établie pour engager les travaux de renforcement des escaliers descendant vers la plage de Surcouf a coûté à elle seule 1 million de dinars. Et d'ajouter : « Le budget de la commune ne permet aucunement la réalisation de travaux d'envergure » et en conséquence, « il faudrait une prise en charge de l'Etat pour arriver à bout de ce problème ». Les propriétaires de maisons surplombant les falaises, sans doute lassés d'attendre, avaient entrepris, d'une manière artisanale, des travaux de confortement du talus au moyen de murs de soutènement et de gabions, à l'efficacité quasi-nulle, mais ont-ils vraiment le choix ? Menacés par d'imminents glissements, les propriétaires en question n'en finissent pas d'envoyer des requêtes aux autorités locales qui ne cessent d'inviter ces derniers à s'adresser à la Direction des travaux publics (DTP) sous prétexte que la question relève des grands travaux du domaine maritime. La DTP, pour sa part, renvoie la balle à l'Apc et avec les propriétaires des maisons endommagées, comme le prouve une correspondance émanant de ce service datant du 14 juin 2005. Selon le chef du service technique de l'Apc, la zone la plus exposée au risque reste incontestablement le tronçon routier qui va des Tamaris à Surcouf. L'affaissement prend en effet des proportions alarmantes : sur une vingtaine de mètres de la RN 24, qui traverse la ville, le glissement risque d'entraîner la polyclinique de Surcouf. A moins qu'un travail plus élaboré et respectueux de la nature ne voit, il est temps, le jour. K. Saci, Mohand Aziri