Alexis Tsipras, le Premier ministre grec, n'entend pas plier devant les diktats de l'Union européenne et du FMI. Il l'a répété, mercredi soir, dans une intervention très solennelle à la télévision : il maintient le référendum prévu dimanche sur les mesures d'austérité qu'exigent les créanciers de la Grèce. La pression sur le gouvernement Tsipras comme sur les citoyens est pourtant inouïe, surtout depuis que la Grèce est devenue, le 30 juin, le premier pays de l'UE à faire défaut sur une échéance du FMI (1,6 milliard d'euros). Après l'annonce du référendum, réponse de Tsipras à l'impasse des négociations à Bruxelles, les institutions et, en coulisses, la chancelière allemande Angela Merkel et son très rigide ministre des Finances, Wolfgang Schaüble, ont tout mis en œuvre pour faire céder la gauche grecque au pouvoir. En resserrant encore le dernier filet de refinancement des banques grecques, (dépendantes, depuis l'élection de Syriza, des liquidités d'urgence via le mécanisme ELA), la BCE a imposé un contrôle des capitaux et de sévères restrictions bancaires. Dans le but de semer la panique chez les déposants, dont les retraits aux guichets automatiques sont plafonnés à 60 euros par jour. Une façon de faire planer la peur de faillites bancaires, pour dissuader les Grecs de voter «non», comme les y appelle Tsipras. Dans les entreprises, les patrons menacent de ne pas verser les salaires, lundi, en cas de victoire du «non». Les grands médias, à l'unisson, se font le relais des arguments pour le «oui» de Christine Lagarde, la directrice du FMI et de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne qui régnait jadis, comme Premier ministre, sur le paradis fiscal luxembourgeois. Accusé par les eurocrates d'être un «irresponsable», un «populiste», Tsipras entend pourtant seulement… respecter sa parole et remplir ses engagements. Si les Grecs ont donné la victoire à la formation de gauche Syriza, le 25 janvier dernier, c'est qu'ils voulaient mettre fin à des politiques d'austérité dévastatrice. Le résultat du traitement de choc dicté par le FMI ? Plus de 1,5 million de chômeurs, 3 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, un tiers de la population privée d'accès aux soins. Sous le règne de la puissante troïka chargée d'imposer cette violente cure néolibérale, le paludisme est revenu dans le sud du pays et les femmes qui ne pouvaient s'acquitter de leurs factures d'accouchement voyaient les nouveaux-nés pris en otages jusqu'au règlement des sommes dues. En contrepartie de ce traitement inhumain, la Grèce est entrée dans un programme dit d'aide financière de 320 milliards d'euros, des sommes dont l'essentiel est retourné aux créanciers, c'est-à-dire aux institutions qui ont sauvé les banques européennes en reprenant, suite à la crise de 2008, les créances d'un Etat devenu insolvable, que ces même banques avaient poussé à un endettement irraisonné. Audit Fidèle au mandat confié par son peuple, Tsipras a tenté, durant cinq mois, de négocier les termes d'un programme lui permettant de sortir du cercle vicieux de l'austérité, de la récession et d'alléger le fardeau des classes populaires, laminées par le chômage et la pression fiscale. Une option keynésienne classique, bien éloignée de l'extrémisme décrit par ses détracteurs. La partie grecque demandait aussi des engagements fermes sur la renégociation d'une dette devenue insoutenable, et dont une bonne part est illégitime et illégale, d'après le rapport de la Commission d'audit mise en place par la Vouli, le Parlement grec. Il faut dire qu'entre 2012 et 2015, cette dette est passée de 115% à plus de 180% du PIB, loin de l'objectif de réduction des déficits affiché par la troïka. Les créanciers, eux, n'ont jamais dévié de leur intransigeance, malgré les rudes concessions admises par Athènes. Ils refusent les mesures de taxation des hauts revenus, veulent de nouvelles coupes dans des pensions de retraites déjà amputées de 40% depuis 2012, insistent sur la privatisation des entreprises publiques, des ports et des aéroports. «Il ne veulent pas d'un accord. Ils défendent les intérêts de l'oligarchie et veulent faire tomber le gouvernement Tsipras, car ils ont peur d'un effet de contagion dans les autres pays européens frappés par la crise et les plans d'austérité, comme l'Espagne», résume le directeur de Radio Kokkino, Kostas Arvantis. Après l'invraisemblable expulsion du ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, de l'Eurogroupe (la réunion des ministres des finances de la zone euro), suite à l'annonce du référendum, c'est le principe même de la consultation populaire que les institutions européennes et l'Allemagne contestent. Quitte à la présenter comme le prélude au «Grexit», l'expulsion de la Grèce de la zone euro. Tsipras, lui, appelle les Grecs à ne pas céder à cette «stratégie de la peur». «Je n'aurais jamais imaginé que l'Europe démocratique refuserait à un peuple le temps et l'espace nécessaires de se prononcer souverainement sur son avenir, s'indigne-t-il. Voter ‘‘non'', c'est faire pression en faveur d'un accord économiquement viable qui apportera une solution à la dette au lieu de la faire exploser». A Athènes, ces jours-ci, le temps hésite entre orage et ciel bleu. Aussi instable que cette Europe qui piétine elle-même ses principes démocratiques.