La saignée, qui a failli vider le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, pousse la direction de l'organisation à plus de rigueur envers ceux qui seraient tentés par l'offre de paix. En rejetant en bloc la proposition d'une paix négociée avec les autorités, Abdelmalek Deroukdel, dit «Abou Mossaâb Abdelouadoud», semble répondre, en écho, à l'appel lancé par l'ancien chef du Gspc, Hassab Hattab, de saisir «cette opportunité» offerte par le président de la République. Deroukdel affirme que «cette élection est une perte de temps et un gaspillage de l'argent du peuple», et que «l'Algérie n'a pas besoin d'une Charte pour la paix et la réconciliation mais d'une charte pour l'Islam», selon les termes du communiqué du Gspc diffusé, mardi dernier, mais qui date en réalité du 20 septembre 2005, c'est-à-dire la veille du référendum pour la paix et la réconciliation nationale. «Le djihad va continuer. Nous avons promis à Dieu de poursuivre le djihad et le combat», affirme le chef du Gspc. Ce rejet de l'offre de paix intervient moins de deux jours après l'appel de Hattab à l'endroit de ses anciens compagnons. Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, l'ancien chef du Gspc fait l'éloge de l'offre de paix proposée aux groupes armés par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et appelle ses anciens compagnons d'armes à déposer les armes. L'entêtement de Hassan Hattab à pousser ses anciens compagnons vers une issue pacifique, en tentant d'amarrer son ancienne organisation à la réconciliation nationale, est significatif quant à son regret de s'être un jour fait «avoir» par plus jeunes que lui, alors qu'il aurait pu, quand il était encore à la tête du Groupe salafiste, amarrer toute l'organisation à la paix et entrer dans l'Histoire. La saignée, qui a failli vider le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, pousse la direction de l'organisation à plus de rigueur envers ceux qui seraient tentés par l'offre de paix. Selon un bilan établi par le ministre de l'Intérieur, Nouredine Yazid Zerhouni, «des résultats positifs ont été réalisés grâce à la réconciliation nationale qui a permis la reddition, jusqu´ à présent, de 250 à 300 terroristes pour bénéficier des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale». Si on estime que tous ces repentis sont issus du Groupe salafiste, qui avait pu opérer auparavant une véritable OPA sur les groupes armés en Algérie, on peut alors dire que l'organisation de Deroukdel a perdu beaucoup de ses hommes dans cette offre de paix. Quoiqu'en nette régression depuis 2003, les violences en Algérie, comptabilisées sur le compte des groupes armés islamistes, continuent de faire des victimes. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée par référendum le 29 septembre 2005, prévoyait, pourtant, «l'extinction des poursuites judiciaires» pour les islamistes armés qui ont mis fin à leurs activités et se sont rendus aux autorités, mais n'ont pas été «impliqués dans des massacres collectifs, viols ou des attentats à l'explosif dans des lieux publics». En outre, un délai de six mois est accordé aux islamistes armés n'ayant pas commis des crimes de sang pour déposer leurs armes et se rendre. Bien que la position de la direction du Gspc a été, dès le 28 septembre 2005, de tourner le dos à l'offre de paix proposée par le président Bouteflika, on avait quand même assisté à des dizaines de redditions d'islamistes, notamment à l'est et à l'ouest du pays. Des sources proches du ministère de l'Intérieur avaient parlé de 105 repentis dans le cadre des dispositions de la Charte dès le mois de juin, mais on avait aussitôt assisté à des blocages, et tout de suite, à une flambée des actes liés au terrorisme. «Le meilleur restant à venir», tant de la part des autorités que de la part des groupes armés, il y a lieu de s'attendre à des concessions des uns ou des autres ou à des situations extrêmes. Les hésitations entre l'assaut de l'armée et le prolongement de la période de grâce pour les nouveaux repentis reflètent la volonté militaire de frapper et le souci politique de séduire. Sauf si l'on accepte de vivre à l'ombre de petites attaques terroristes auxquelles feront pièce des embuscades et ratissages militaires, de l'ordre de ceux qu'on a vécus jusque-là. Cette situation s'appelle un «seuil tolérable de la violence».