Ce qui n'était qu'un soupçon s'est confirmé cette semaine : le double jeu de Abderrazak Makri, et toute la fragilité de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD). C'est à la réunion de l'Instance de concertation et de suivi de l'opposition (ICSO), dans la soirée de jeudi dernier, que le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) a annoncé la surprenante nouvelle à ses partenaires. Il venait de sortir d'une rencontre avec Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika et secrétaire général du RND. L'information n'a pas manqué de faire grincer les dents parmi l'assistance ! Les intentions de Abderrazak Makri sont claires. Même s'il n'a livré, lors de son déplacement à El Mouradia, que le chapitre concernant la tragédie de la vallée du M'zab, il a déclaré l'essentiel : la ligne éditoriale du MSP est le dialogue. En effet, Makri croit dur comme fer qu'«aucune solution n'est possible à la crise sans la participation du pouvoir». La messe est donc dite. La sortie du responsable du parti islamiste risque de provoquer les premières fissures à la CNLTD qui, deux ans après sa naissance, n'arrive toujours pas à trouver la dynamique nécessaire pour imposer un changement politique dans le pays. Si la présence en force des islamistes, Ennahda, El Islah, le PJD de Abdallah Djaballah, sans oublier deux ex-responsables du Front islamique du salut (FIS) dissous par voie de justice, Ali Djeddi et Kamel Guemazi en l'occurrence, n'a pas aidé la Coordination à élargir sa base démocratique, le changement de position opéré officiellement cette semaine au sein du MSP l'a sans aucun doute secouée. De par sa démarche solitaire Abderrazak Makri n'a pas seulement mis dans la gêne ses associés de la CNLTD, mais vient de compromettre sérieusement la confiance qui existait entre eux. Djilali Soufiane de Jil Jadid dit, dans une déclaration à la presse, que le président du MSP ne les a pas informés. Il explique que la sortie de Abderrazak Makri était prévisible et est due aux pressions qu'il subit au sein de sa formation. Ahmed Adimi, porte-parole de Talaï El Houryet, lui, s'en lave les mains en affirmant que cela n'engage ni le parti de Ali Benflis ni le Pôle des forces pour le changement. Selon lui, la tentative de Makri de persuader de la nécessité de demander une rencontre avec le chef de l'Etat n'a pas convaincu grand monde et n'a pas trouvé d'écho au sein de l'ICSO, qui ne l'a d'ailleurs pas prise en compte dans la déclaration finale de la rencontre de jeudi dernier. La démarche du MSP va-t-elle avoir des conséquences sur le fonctionnement de la Coordination ? Tout porte à le croire. Abderrazak Makri, de son propre chef ou suite aux pressions exercées sur lui par Bouguerra Soltani et son groupe, est en train de sortir son parti de l'initiative de rassemblement de l'opposition, née il y a deux ans à Zéralda. Le directeur de cabinet du président Bouteflika lui propose même un rôle, celui de convaincre le reste des opposants d'aller à la table des négociations. Dans un entretien qu'il a accordé hier au journal El Khabar, Bouguerra Soltani, qui donne l'air d'être le vrai concepteur de la nouvelle orientation du parti, parle déjà de la réalisation d'un objectif à travers la rencontre avec Ahmed Ouyahia. Il s'agit, selon lui, «d'avoir décomplexé l'opposition pour rouvrir le dialogue avec le pouvoir». C'est ce à quoi appelle le président du MSP qui a tenté de démarcher les membres de l'ICSO jeudi dernier. La CNLTD a-t-elle de l'avenir après ce retournement du parti islamiste, et aussi après que Abdallah Djaballah, président du Parti pour la justice et le développement (PJD), ait fait part de son intention d'initier un regroupement des formations islamistes ? On le saura après la rentrée politique. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Mohcine Belabbas et Jil Jadid de Soufiane Djilali risquent de voir le rassemblement qu'ils ont tenté de mettre en place en associant des islamistes tomber comme un château de cartes. La CNLTD, dont l'un des membres influents avouait à des journalistes le 10 juin 2013 que ce conclave n'avait pas d'avenir, semble vouée visiblement à l'éclatement.