La saisie record de 51 millions de dinars en fausse monnaie par les services de sécurité à Oran montre que ce trafic a vite évolué ces dernières années pour se transformer en un véritable fléau national. En effet, si l'on se réfère aux bilans des arrestations de faussaires opérées ces dernières années, on relève une progression vertigineuse de l'introduction de la fausse monnaie dans le marché financier. Ainsi, vers la fin de juin dernier, la police judiciaire de Constantine a procédé au démantèlement d'un réseau de faussaires et récupéré une somme de 48 800 DA en fausses coupures de 200 DA. Le 29 du mois de mai, 3 millions de dinars ont été saisis dans le cadre d'une offensive contre un réseau de faussaires agissant entre les wilayas de Tiaret, Laghouat et El Bayadh, alors que la veille, une somme de 2,85 millions de dinars a été récupérée à la suite du démantèlement d'une autre bande de trafiquants à Sougueur. Le 23 avril, les services de sécurité ont remonté une filière de faussaires à Relizane et saisi 37 000 DA en fausses coupures de 1000 DA. A Aïn Sefra, la prise a été de loin plus importante avec près d'un demi-milliard de centimes (fausses coupures de 1000 DA, de 200 DA et de 100 euros). En décembre 2004, les services de sécurité ont récupéré 793 000 DA (en fausses coupures de 1000 DA) à Canastel, wilaya d'Oran, à l'issue de la neutralisation d'un groupe spécialisé dans le trafic de monnaie. La même période, un autre groupe a été démantelé à Béchar et la somme de fausse monnaie récupérée a atteint 300 000 DA. Ce bilan est loin de refléter la réalité de la situation dans la mesure où ces chiffres ne représentent que quelques affaires traitées et rendues publiques par les services de la Gendarmerie nationale ou de la police. Pour les spécialistes, le phénomène de la fausse monnaie s'est multiplié grâce à l'apparition sur le marché du matériel informatique de plus en plus sophistiqué, notamment les imprimantes couleurs qui, faut-il le préciser, se vendent sans aucun contrôle des services concernés. « Si le matériel informatique était répertorié et contrôlé dès son admission sur le marché algérien, la lutte contre le trafic des billets sera plus facile à mener dans la mesure où les enquêteurs n'auront aucune difficulté à remonter jusqu'au propriétaire de l'imprimante utilisée pour leur falsification... », a déclaré notre interlocuteur, précisant toutefois que « tant que les faussaires n'ont pas accès au papier fiduciaire, servant à la fabrication des vrais billets, la répression de ce trafic est possible ». Selon lui, dans la majorité des cas, les faussaires écoulent les faux billets en les dépensant dans les marchés de gros de voitures ou de bestiaux « en droits, où les vendeurs ne font pas attention à la qualité des billets et se contentent souvent de vérifier les montants ». Notre interlocuteur a noté, par ailleurs, que toutes les wilayas sont concernées par ce fléau, tant le gain est non seulement très important, mais surtout facile. « Il suffit d'avoir de petites connaissances en informatique pour pouvoir copier jusqu'à la couleur et le trait argenté des billets... », a déclaré notre source. Dans ce trafic, les Algériens ont préféré se spécialiser dans le faux de la monnaie locale. La devise est l'apanage des ressortissants sub-sahariens, devenus, ces dernières années, des spécialistes de la falsification des euros et des dollars. La progression rapide de cette forme de criminalité appelle une riposte rapide et une meilleure stratégie de répression à la racine.